Boulogne-sur-Gesse : Clémence Gouy, sage-femme, un métier à redécouvrir

Entretien avec Clémence Gouy, sage-femme, un métier à redécouvrir.
Entretien avec Clémence Gouy, sage-femme, un métier à redécouvrir.

Depuis 2017 Clémence Gouy dispense ses consultations à Boulogne une fois par semaine, à l’étage de la Maison de santé. Elle partage son temps professionnel entre son cabinet principal dans un pool de sage-femmes à L’Isle-Jourdain dans le Gers, et ses consultations boulonnaises du mardi.

Originaire de Montpellier, Clémence a commencé par voyager et exercer un peu partout dans le monde, avec Médecins sans Frontières. « Ces expériences humanitaires dans d’autres contrées et d’autres cultures m’ont apporté une vision différente du métier. On n’est pas sage-femme par hasard. C’est un travail qui me passionne surtout dans sa partie physiologie, pour sa polyvalence, et les relations humaines qu’on développe. J’aime partager ces moments forts dans la vie d’une femme. »

Son rôle de sage-femme est particulièrement précieux, surtout dans les territoires ruraux où la pénurie en matière d’offre de soins se fait durement sentir. Diplômée d’État, elle assure le suivi pré, péri et postnatal des femmes et de leur bébé, établit des diagnostics et des prescriptions, prépare à l’accouchement et à la parentalité, accompagne les femmes pour leur suivi gynécologique, de la puberté à la ménopause, s’occupe de la contraception, des MST, du dépistage, etc. En cas de pathologie avérée, elle dirige ses patientes vers des médecins gynécologues ou obstétriciens, avec lesquels elle travaille en partenariat.

« Ce n’est pas le même métier, précise Clémence Gouy. Pour notre cursus, à l’instar des kinés ou des dentistes, on suit la même première année que les médecins. Puis on choisit notre orientation de sage-femme. Depuis cette année, un an d’études de plus est requis, ce qui fait Bac+6. »

Depuis peu on assiste en France à une pénurie de sages-femmes, particulièrement dans le milieu hospitalier, pour quoi d’après vous ?

« Le constat est là, la pénurie de professionnels de santé est générale, et les sages-femmes n’y échappent pas. De plus toute une génération de praticiens part à la retraite et il y a peu de remplaçants.

Le désintérêt pour la profession de sage-femme est dû, à mon sens, à plusieurs facteurs. Notamment, le manque d’attractivité des salaires, peu motivants par rapport à la charge de travail et à la responsabilité exercée. Pour le nombre d’années d’étude qu’on effectue, la rémunération n’est pas à la hauteur. Par ailleurs, le métier ne bénéficie pas d’une image aussi valorisante que celle d’un gynécologue ou d’un obstétricien. La sage-femme est souvent considérée comme une assistante du gynéco, alors qu’elle a une fonction intrinsèque bien définie. Les cadences de travail amènent fatigue, tension émotionnelle et parfois surmenage, surtout en milieu hospitalier. Et les revalorisations qui ont pu être apportées restent minimes. »

Vous travaillez en libéral, pourquoi ce choix ?

« J’ai un parcours atypique. Après avoir commencé en structure hospitalière, j’ai rejoint Médecins sans Frontière pendant quelques temps. Ensuite j’ai eu l’opportunité de travailler en libéral et j’ai continué car j’y ai trouvé des avantages personnels. A l’époque je suis devenue maman et l’organisation de ma vie quotidienne familiale était plus facile avec ce mode de fonctionnement. Ce sont deux approches différentes. En hospitalier, on fait beaucoup de pratique, on voit les patientes sur de courtes périodes et principalement en salle de naissance. En libéral on peut les suivre de façon plus personnalisée. Pour moi l’expérience en Maison de santé est positive, l’entente est bonne dans l’équipe, nous travaillons en lien les uns avec les autres. »

Comment selon vous comment « réhabiliter » le métier de sage-femme ?

« Il n’y a pas de recette miracle. En premier lieu, comme on l’a dit, revaloriser les salaires. Il doit aussi y avoir une volonté politique et les Pouvoirs Publics ont un rôle à jouer et reconnaître la place que nous occupons dans la société. Ensuite montrer une autre image de la sage-femme, son rôle doit être mieux expliqué pour changer le regard du public. Pour la plupart des gens, elle fait des accouchements, point. C’est loin d’être le cas et la polyvalence de nos interventions le démontre. Enfin, sortir du cliché tenace qu’il faut un médecin pour accompagner la grossesse. Quand tout se passe sans pathologie, et c’est la majorité des cas car attendre un enfant n’est pas une maladie on est bien d’accord (rire), la sage-femme est le parfait allié d’une grossesse et d’un accouchement bien vécus et épanouissants. A travers mon expérience professionnelle, je constate que les femmes sont confiantes et satisfaites des services de la sage-femme. »

Quels types de patientèle recevez-vous ?

« A l’Isle-Jourdain, il y a une majorité de femmes actives, la métropole toulousaine est très proche, elles sont plus jeunes et les naissances sont plus nombreuses. Ici, le territoire est plus rural. J’y pratique davantage de gynécologie que d’obstétrique, d’abord en raison du faible taux de natalité et de la moyenne d’âge plutôt élevée, mais aussi parce que l’offre de soin en la matière est restreinte. En effet les consultations se font essentiellement sur Saint-Gaudens, mais c’est devenu compliqué : les trois spécialistes ne sont plus que deux, le troisième parti en retraite n’est pas encore remplacé. En fait je reçois toutes les générations, de l’adolescente pubère à la femme ménopausée et même au-delà, car j’ai même une patiente de 94 ans qui vient régulièrement consulter. Dans le cas de femmes âgées, on traite souvent les problèmes de périnée, de fuites urinaires, de rééducation, de pose de pessaire (dispositif contre l’incontinence), etc. La sage-femme est présente à tous les instants pour informer, conseiller, soigner, et faire en sorte que les femmes se prennent en charge, se surveillent, pour leur confort et leur santé, pas seulement autour de la grossesse. Et c’est ce que je trouve formidable dans mon métier, accompagner tous les âges de la vie chez la femme, créer des relations de confiance avec bienveillance et empathie. »

 

MAISON DE SANTÉ DU BOULONNAIS

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