Montmaurin : Reprise des fouilles archéologiques dans la grotte de Coupe-Gorge

Hugo, Amélie (en bleu), Guillaume, Catherine, dans la grotte de Coupe Gorge à Montmaurin pour la 2ème phase de fouilles.
Hugo, Amélie (en bleu), Guillaume, Catherine, dans la grotte de Coupe Gorge à Montmaurin pour la 2ème phase de fouilles.

La deuxième phase de la triennale de fouilles archéologiques à Montmaurin (2020-2021-2022), dirigée par Amélie Vialet paléoanthropologue et maître de conférences attachée au Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris, vient de commencer en ce milieu du mois d’août. Bien cachée dans les anfractuosités de la paroi karstique qui surplombe la route menant au village, la grotte de Coupe-Gorge fait partie d’un ensemble de quatre cavités explorées en 1945 par Louis Méroc, qui ont révélé une occupation humaine datant du Paléolithique moyen. Des pièces exceptionnelles avaient été mises au jour, comme la mandibule humaine, le lion des cavernes et la Vénus de Lespugue. Et le site n’a pas livré tous ses secrets, c’est un véritable Graal pour les chercheurs, qui ont déjà l’an dernier collecté de précieux vestiges encore à l’étude dans les laboratoires de Tautavel.

L’indispensable travail sur le terrain

La grotte a préalablement été sécurisée par un professionnel des postes atypiques, avec des pitons fixés dans la paroi. Ainsi, casqués et harnachés, les scientifiques grattent, brossent, prélèvent, par petits secteurs soigneusement balisés. Car malgré les technologies de pointe, le travail de fouille se fait encore à la façon de Louis Méroc, inventeur du carroyage, quadrillage méthodique du terrain. Ils vont y rester du 9 août au 4 septembre, hébergés dans le camping de Sarrecave.

Tous les jours, les chercheurs se rendent dans leur laboratoire de terrain plus bas le long de la Save, dans un grand corps de ferme racheté par le Conseil Municipal de la Haute-Garonne et mis à leur disposition. C’est là que les seaux de sédiments récupérés dans la grotte sont lavés, tamisés, séchés ; minutieusement, en sont extraits de minuscules éléments intéressants : menus os de rongeurs et autres petits mammifères, esquilles d’os, dents, parties de squelettes de micro faune, petits galets karstiques. Les objets plus gros sont légèrement rincés et marqués à l’encre de Chine (secteur, couche, numéro, …). Une machine topographique permet de déterminer leur position dans l’espace.

Comprendre l’homme du Paléolithique

Ces matériels triés et étiquetés seront, comme à l’accoutumée, transférés à Tautavel où des spécialistes les étudient. Ils en restituent la chronologie, le paléo-environnement, le climat, la datation, et surtout les interactions avec l’homme. C’est ce qui intéresse les chercheurs : quels animaux a-t-il chassés, avec quels outils, comment a-t-il découpé, taillé, qu’a-t-il consommé, etc., afin de déterminer son mode vie.  Certains échantillons de sédiments ont été envoyés à l’Institut Max Planck en Allemagne pour y déterminer la présence éventuelle d’ADN. Les résultats sont attendus avec impatience. « Ici on est à la source de la recherche, mais on travaille toute l’année sur ce programme qui comporte 3 volets : l’étude de tout ce que Louis Méroc a entrepris entre 1945 et 1961 pendant 27 campagnes de fouilles ; la phase de fouilles dans la grotte -on se déplace plusieurs fois dans l’année avec un séjour plus long en été- ; la phase d’analyse des prélèvements effectués. » Autre objectif, l’aspect géologique : « On veut comprendre aussi la formation de ces grottes et leur remplissage. Cela permettra par exemple la datation précise de la mandibule et restes humains, appartenant probablement au même individu. L’estimation à 150 000 ans pourrait être repoussée aux alentours de 300 000 ans. Les résultats nous le diront. »

Dans la cavité dont la pénombre est sabrée de projecteurs, Amélie prend avec précaution au creux de sa main un galet rond, marqué de traces d’usure : « Voici un percuteur, une sorte de marteau du Paléolithique supérieur (-40 000 à -15 000 ans), servant à briser les os d’animaux pour en retirer la moëlle, ou à façonner des outils. Il a été récupéré dans la rivière, et sa situation dans le sédiment est la preuve qu’il a été apporté là par l’homme. On sait que les hommes préhistoriques, pourtant nomades et soucieux de ne pas se charger, l’emportaient avec eux, c’était un outil utile. Ce type d’objet est toujours émouvant, en le prenant en main on a un lien direct avec l’homme qui s’en ait servi. »

Une équipe pluridisciplinaire

Chacun a sa spécialité : Guillaume Fleury chargé des collections Préhistoire au Muséum de Toulouse, Catherine Barra archéologue-médiatrice à l’INRAP (Institut national de recherches archéologiques préventives), Anick Abourachid professeur au MNHN, Hugo Broigniez-Moquet doctorant en faune à l’université de Perpignan, Pierre Gousset doctorant en paléoanthropologie au MNHN, Maureen Blanchet en master 2 au MNHN, Camille Terrasse, en licence 2 archéologie à Panthéon-Sorbonne. Les cinq étudiants vivent un moment fort. Maureen et Camille sont ravies : « On apprend beaucoup, on a besoin d’être sur le terrain c’est un volet indispensable pour aiguiser notre œil, se former de façon complète. Ce travail de tri minutieux où l’on repère des micro-vertèbres, des dents, des esquilles d’os, ou autres éléments, est aussi intéressant que la fouille dans la grotte. On ressent en permanence l’excitation de la découverte. D’autant plus que sur ce site d’une richesse exceptionnelle richesse, à chaque coup de pinceau on trouve quelque chose. » Hugo, chargé de l’étude des bovidés découverts sur le site, renchérit : « Pour moi c’est une de mes meilleures expériences de fouilles, non seulement gratifiante sur le plan professionnel mais aussi une formidable aventure humaine. »

Une journée portes ouvertes du chantier de fouilles est organisée avec la municipalité de Montmaurin la dernière semaine d’août.

https://www.lesgrottesprehistoriquesdemontmaurin.com/

 

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