Ou lorsque Ponce Pilate se lavait les mains…

 

Petit à petit, la jungle de Calais s’est vidée. Une ville de plus de 5000 habitants avec ses codes, ses joies mais aussi son lot de désespérance vient d’être rasée en un instant. Une vie avec des petits commerces, un vivre ensemble de la pauvreté où l’on passe son temps à espérer des jours meilleurs. Ils ont fuit un pays, contraints et forcés par les atrocités de la guerre ou affamés par des dirigeants corrompus, sans espoir de lendemain. Ils ont rêvé d’un eldorado où ils pourraient simplement se réveiller sans la peur de mourir sous les bombes ou d’être victime des barbaries d’un ennemi sans visage ou encore sans la crainte de mourir de faim.

Avec altruisme et beaucoup de courage, certains maires, dont nous voulons signaler ici notre admiration, se sont portés volontaires pour accueillir dans leur commune ces hommes ou ces familles afin de leur rendre leur dignité et leur permettre d’espérer à nouveau en l’avenir, leur donner cette chaleur humaine en leur disant tout simplement « bienvenue » tout en sachant qu’il faudra résoudre nombre de petits problèmes. Croiser leur regard en leur montrant qu’ils font partie d’une communauté où le mot solidarité retrouve du sens. Leur sourire pour les rassurer et tenter d’effacer cette peur qui s’est profondément ancrée en eux. Leur montrer leur chambre et un lieu de vie rassurant où ils vont enfin pouvoir se reposer physiquement et moralement et attendre que les Grands de ce monde arrêtent de jouer à qui perd gagne afin qu’ils puissent rentrer chez eux ou se reconstruire ailleurs si la communauté internationale montre une nouvelle fois une impuissance désespérante.

Ces maires humanistes qui, pour leur tendre la main, n’ont pas hésité à parfois braver leur opinion publique,  auraient dû être légion tant ce geste semble somme toute normal. Force est de constater qu’il n’est pas ordinaire mais extraordinaire puisque ce phénomène est resté marginal. Les Préfets qui n’ont pas ménagé leurs efforts pour trouver des centres d’hébergement ont entendu toute une série de bonnes raisons leur prouvant que, ici ou là, ce n’était pas possible mais que, si on avait pu, on l’aurait bien sûr fait avec beaucoup d’empressement. Nos sociétés ne se nourrissent que d’exclusion, d’individualisme et de repli sur soi. Nous avons une mémoire collective défaillante tant le phénomène de migrants se répète inlassablement. On veut bien être accueilli à bras ouvert quand il s’agit de soi mais on ferme les bras quand il s’agit d’accueillir les autres .

Pourtant, nombre de bâtiments sont vides et auraient permis un accueil de qualité, fusse-t-il temporaire. Mais voilà, les voisins commençaient à râler, à menacer en anticipation d’éventuelles gênes ou nuisances qui, si l’on en croit les expériences menées ailleurs, s’avèrent fausses. On a cédé par facilité, voire lâcheté, sans faire œuvre de pédagogie, avec la hantise des échéances électorales. Laissons ces élus face à leur conscience et au jugement de l’Histoire.

Pendant ce temps-là, par manque de place, des mineurs hantent encore les ruines de la jungle de Calais et dorment sous des cartons. La misère, ce n’est pas uniquement des images dans un poste de télévision, c’est l’histoire d’hommes, de femmes et d’enfants qui ont un prénom, une identité, une vie déchirée par des phénomènes qui les dépassent, portant une désespérance qui les broient. Les réfugiés ce sont eux, ce sont nous peut-être un jour. Il suffit de lire nos manuels d’histoire.

Allez, retournons à notre vie quotidienne et oublions tout cela… Eux ont perdu cette possibilité d’oublier, de revenir à un quotidien où la joie de vivre régnait… Ils errent dans le malheur d’un avenir sans lendemain.

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