Pharmacien de profession, ancien maire de Boulogne sur Gesse, Pierre Médevielle siège au Sénat depuis 2014 pour la Haute-Garonne, au sein du groupe Les Indépendants République et Territoires. Il revient sur la crise agricole qui touche l’élevage français de plein fouet.
Que pensez-vous de la gestion gouvernementale de l’épizootie de DNC ?
Pierre Médevielle : « La maladie a démarré dans l’est du pays en juin, et c’est un nouveau coup dur pour les éleveurs, notamment dans nos territoires du sud de la Haute-Garonne où cette activité est majeure. Depuis deux ans, après la MHE (maladie hémorragique des bovins NDLR), la filière marchait bien et voilà que l’on replonge dans une situation catastrophique. Il est évident qu’il y a eu de la part du Ministère concerné un retard à l’allumage si je puis dire, avec une incompréhension combinée à un discours inadapté et un manque de dialogue et de pédagogie. La dimension humaine et affective n’a pas été prise en compte à temps. L’intervention des Forces de l’Ordre en Ariège pour déloger des manifestants opposés à l’abattage sanitaire du troupeau contaminé a pu choquer certes. Mais il faut dire qu’il y avait des casseurs uniquement venus pour en découdre et qui n’avaient rien à faire là, si ce n’est pourrir la situation. »
Le plan vaccinal est en place avec 750 000 bovins prochainement vaccinés dans les départements concernés. Quant à l’abattage total ou partiel qu’en est-il ?
P.M. : « Lundi 15 décembre les syndicats agricoles et la Chambre ont déposé un protocole auprès des autorités sanitaires et vétérinaires pour un abattage sélectif. Mais les autorités, qui sont seules compétentes en la matière, sont sceptiques quant à son efficacité. Souvenons-nous du cas des Balkans où le même virus a sévi en 2016, l’abattage partiel était préconisé, et ça a été un désastre total.
C’est une maladie très grave, hautement contagieuse. Je précise que les rassemblements autour des fermes contaminées sont à proscrire, ils contribuent à la dissémination du virus. Virus qui s’est aussi propagé via des transports illicites de bétail. Or il faut absolument juguler la contamination, c’est de la responsabilité de tous. Mais nos éleveurs sont sérieux. »
Selon vous, la sortie de crise est-elle proche ?
P.M. :« Les éleveurs doivent être aidés humainement et économiquement, ils ont besoin d’être rassurés. Je les ai rencontrés dimanche sur les barrages, notamment les jeunes, ils veulent savoir de quoi leur avenir sera fait, comment ils pourront s’en sortir et repeupler leur ferme.
Hier soir au sortir de la réunion de crise à Matignon, la Ministre a annoncé une série de mesures, notamment pour les indemnisations : 2200 € par bovin abattu, avec un complément en fonction de l’expertise qualitative du bovin. Pas de fiscalisation des aides, c’était très attendu aussi. L’accompagnement pour sortir de ce véritable drame que vivent nos agriculteurs se met en place. Avec des aides, de la discipline et la vaccination systématique, il y a bon espoir d’enrayer la maladie.
Les fermes d’élevage sont avant tout une affaire humaine, souvent une histoire familiale sur plusieurs générations, fruit d’un travail remarquable qui fait l’exception française. Et dans le sud haut-garonnais, qui nous intéresse plus particulièrement dans ce lourd dossier, maintenir l’élevage est essentiellement une question d’aménagement du territoire. L’activité est un pan entier de notre culture en piémont Pyrénéen, il est hors de question de la voir disparaître. »
D’autres secteurs agricoles s’agrègent à la colère des éleveurs, qu’en pensez-vous ?
« Les barrages routiers font florès un peu partout effectivement, à Paris, dans l’Allier, en Loire-Atlantique…, avec des revendications qui ne sont pas liées à l’abattage et la DNC. Et certaines récupérations politiques ou idéologiques ne sont pas absentes. C’est compliqué pour nous élus, de répondre à tout.
Aujourd’hui les gouvernements ont perdu la bataille des médias. Via les réseaux sociaux, parler d’abattage total de troupeaux à cause d’un virus choque l’opinion publique presque autant que ça choque l’éleveur. D’où cette levée de bouclier. Mais raisonnons par l’absurde, que se serait-il passé si nous n’avions rien fait ? Le cheptel entier du sud-ouest aurait été contaminé, une catastrophe d’une ampleur inouïe.
La veille sanitaire est indispensable. Elle est toujours de mise, par exemple la peste porcine sévit en Espagne et en Italie, nous nous préparons en cas d’apparition en France. Dans tous les cas, le dernier mot revient aux autorités scientifiques spécialistes de ces questions, ce sont elles qui accepteront ou pas les demandes des éleveurs.
Le protocole gouvernemental marche, on l’a vu dans d’autres régions. C’est une course contre la montre, il faut aller vite, plus on ira vite, moins il y aura d’abattages. Restons cohérents, disciplinés et réactifs, continuons également la pédagogie et le dialogue, car répétons-le, la dimension humaine de la crise n’a pas été prise en compte jusqu’à présent. »











