La Ressourcerie à Aspet ou la limite du possible? – Enquête du samedi 29 avril

La Ressourcerie à Aspet ou la limite du possible ?  –  Enquête du samedi 29 avril

Pour rappel la Ressourcerie est une émanation de l’Association « La Sève » crée en 2006. La Ressourcerie et la Foire Bio annuelle ont été créées en 2007. L’orientation assumée est axée sur le principe de la gratuité et celui de la simplicité volontaire, en se référent au précepte du Mahatma Gandhi : «  Vivre simplement pour que d’autres puissent simplement vivre ! ».

Jusqu’à la période du confinement la Ressourcerie était ouverte tous les mercredis et le samedi en particulier,  calée sur le jour où les gents ne travaillent pas. Avec le retour à la vie normale, la reprise du samedi se limite au dernier samedi du mois, en attendant de trouver de nouveaux adhérant bénévoles. Toutefois le devenir de ce lieu et de ses moments d’une convivialité  exceptionnelle est incertain, considérant la nouvelle réglementation rendant les locaux inaccessibles au public. Les bénévoles doivent héroïquement sortir à chaque fois d’énormes quantités de cartons sous le préau, nécessitant au moins six personnes pour sortir et rentrer le stock de affaires. Malgré cette manutention colossale, l’accueil est bienveillant par les bénévoles motivés, mais avec l’espérance d’être entendus par les pouvoirs publics.

Ce que les bénévoles nous disent :

Florance : bénévole depuis 2010, une interruption de quelques années mais de retour.

PR : qu’est ce qui vous a fait revenir ?

C’est le principe de la gratuité. Nous divergeons sur ce point avec le principe national des ressourceries où les articles sont revendus, à bas prix, mais revendus tout de même.

PR : que penser de tous ces vêtements qui arrivent et repartent ?

C’est un reflet de la société, mais avec une observation depuis mon retour : on voit moins de vêtements neufs, de marques comme il y a quelques années. Depuis la crise du Covid, des structures de ventes d’occasion en ligne se sont super-développées. Il a été observé à Emmaüs une baisse drastique des dons. Cela pourrait dire que les gens utilisent la revente pour eux, en échos à la paupérisation de la société.

PR : au plan de la communication avec les gens, comment ça se passe ?

Nous faisons du lien social. Il y a un vrai terreau éducatif sur cette consommation du vêtement. Les gens arrivent pressés pour se servir et enfournent dans le sac. A mon sens les valeurs initiales de la Sève ne sont plus portées. Il faudrait un accompagnement et un accueil à l’entrée qui n’existe plus puisque nous ne pouvons plus recevoir à l’intérieur du local. Dans les conditions actuelles, c’est du délire, on ne tiendra pas longtemps.  Il faut communiquer sur la question de la gratuité, mais pas simplement de venir prendre ce que l’on ne peut acheter ailleurs, juste revenir aux valeurs de la Sève.

PR : est-ce que tous les gens qui viennent collaborer au tri sont à ce niveau de valeur ?

Il y a une différence dans les engagements et la prise en compte des questions éthiques, mais cette collaboration entre nous a vocation à nourrir ce questionnement.

 

Claire : je viens ici depuis 2010, c’est super ! C’est précieux pour la planète.

PR : vous êtes sur le bout de la chaine de la fabrication, quelle est votre analyse ?

Il y a beaucoup d’enseignes qui voient leur activité baisser. Le commerce sur internet a pris la relève. La seconde main du vêtement s’intègre au marché, dans la transformation. Ça a aussi un coût au plan énergétique. Reporter des habits déjà portés est plus écologique. Depuis une vingtaine d’année, une économie sociale et solidaire s’est mise en place. On embauche des chômeurs qui vont faire du tri, mais au bout de six mois, retour au RSA. Ces grosses boites revendent ça aux fripiers, destiné au retravaillage des textiles.

PR : quelle est votre position par rapport à Emmaüs ?

Emmaüs a une fonction sociale particulière, en faisant travailler des personnes sans statuts, réfugiés ou simplement en décrochage social. Il y a maintenant des enseignes qui rachètent, ou reprenne vos vieux meubles en vous donnant un bon d’achat. Pour les fringue ça va devenir pareil. Il y a une captation du marché de la solidarité par le privé.

 

Johana : Je fréquente la Ressourcerie depuis quinze ans, mais plus investie depuis cinq ans avec la charge aujourd’hui du secrétariat.

PR : Qu’auriez vous envie de dire sur le fond de cette mission de la Ressourcerie ?

Je m’y investi parce que c’est quelque chose d’important sur notre territoire. Pour moi, ça fait partie du vivre ensemble. Je suis très attachée au partage de connaissances. Ici, c’est le partage de ressources diverses et variées, de choses que l’on a plus besoin et c’est important que ça circule. Ça permet d’être de plus en plus autonome.

PR : qu’entendez-vous par autonomie ?

Ça veut dire ne pas être guidé par la logique du capitalisme, avec le fait de la mode et des standards d’achats pilotés par la pub. C’est pour nous une façon de prendre le pouvoir sur ces questions de notre territoire par la pratique de la solidarité, repenser notre façon de consommer.

PR : Dans les échanges avec les usagers qu’en retenez-vous ?

Oui nous échangeons, notamment sur la tentation d’en prendre plein (les vêtements), par le fait que tout soit gratuit, Il suffit de dire aux gens qu’ici ce sera tout le temps gratuit. Prenez ce dont vous avez besoin aujourd’hui, et quand vous reviendrez dans quinze jours il y aura autant de choses à donner et à prendre. Très vite les gens le comprennent et ça fait réfléchir. Il y a le cas des personnes qui partent avec plusieurs sacs. Ce n’est pas grave, mais on leur rappelle que nous travaillons bénévolement, nous les invitons à prendre une adhésion à l’Association, par considération. Les adhésions permettent de financer l’assurance pour les locaux. Ces explications fond leur chemin.

 

Aria,  chargée de la partie informatique, elle est co-secrétaire.

PR : que peut être votre regard de jeune fille sur cette question des déchets de vêtements ?

Ma génération se rend compte. Nous sommes une génération climato-stressée. Nous demandons où cela va nous mener. J’y pense tous les jours. Est-ce que je pourrai avoir un jour un enfant ? Est-ce que c’est un choix égoïste de ma part ? Dans quel monde je pourrai l’éduquer ? J’entendais une maman qui disait que cette génération qui va venir sera celle du changement et que c’est pour ça qu’elle veut un bébé. Elle veut un enfant pour bien l’éduquer, pour œuvrer pour le changement. Si tous les gens conscients ne font plus d’enfants, ce peut être aussi très égoïste ?

 

Martine : venue d’abord en tant qu’usagère, bénévole depuis 2016

PR : comment avez-vous intégré l’équipe ?

Quand je venais chercher des choses, je voyais qu’ils étaient débordés. Je leur ai demandé s’ils avaient besoin d’aide, et ça a commencé comme ça. J’ai été adhérente dès le début.

PR : Que pensez vous de ces masses de vêtements dont les gens se débarrassent ?

Il y en a trop. Il faudrait en fabriquer moins. N’achetez plus la Terre est pleine. C’est hallucinant. J’ai encore vu un reportage l’autre jour sur la pollution par les vêtements, c’est effrayant. Pourquoi on n’arrive pas à recycler en Europe ? Il faudrait de grandes structures pour recueillir ces vêtements et les recycler en France ce qui n’est pas réutilisable.

 

Une usagère interpelée très remontée !

PR : quel sont les aspects qui vous interpellent sur ce problème du vêtement jetable ?

J’ai l’impression qu’à part légiférer sur ce qu’en tant qu’individu j’ai le droit de faire, que font nos élus ?  L’eau est polluée, l’argent public passe au privé, si non ils font quoi en fait ?

Il y a plein de gens qui ont des idées, il y a tous ces gens qui en ont marre, qui se disent que le droit de manger et d’avoir un toit sur la tête est légitime. Ils continuent avec le système de profit, ils coupent les arbres et remplacent le travail par des machines. La technologie va être l’hyper solution ?

 

Sonia : arrivée en Comminges depuis un an et demi, elle rencontre Johana qui lui fait connaitre la Ressourcerie. Elle est motivée par l’aspect artistique, assembler et créer.

PR : qu’est-ce qui a retenu votre attention en arrivant sur ce lieu de ressources ?

Avant de partir, j’ai failli ouvrir une ressourcerie à Paris. C’est important de donner une seconde vie aux vêtements. J’habille toute ma famille comme ça. Les ressourceries c’est aussi une mine d’or pour créer. On trouve de tout, c’est un peu comme une chasse au trésor.

 

 

 

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