Tribunal de Saint Gaudens : trafic de stupéfiants avec six prévenus et un mystérieux personnage

Palais de Justice Saint Gaudens

Ce jeudi de début février, cinq dossiers étaient à l’ordre du jour du tribunal correctionnel de Saint Gaudens, concernant douze prévenus, pour détention  de l’image d’un mineur présentant un caractère pornographique, pour destruction d’un bien d’autrui par un moyen dangereux (incendie), pour vol (2 dossier, l’un avec violence, l’autre par effraction), pour acquisition, détention, transport et offre  de stupéfiants (résine de cannabis).

Le dossier d’acquisition, détention, transport et offre de stupéfiants concernait un trafic entre l’Espagne et la France, du 1er juin 2021 au 7 février 2022.

Six prévenus dont deux incarcérés, deux présents dans la salle, un absent, un en fuite

Pas moins de six prévenus étaient concernés, dont deux déjà en détention, l’un, 41 ans, incarcéré depuis septembre 2021, l’autre, 52 ans, emprisonné depuis février 2022, dans le cadre de l’affaire pour laquelle ils comparaissaient ce jeudi de février. Entourés d’agents pénitentiaires,  Ils sont entrés dans le box des prévenus en souriant, apparemment décontractés, l’un deux envoyant des bises à sa famille présente dans la salle.

Les quatre autres prévenus étaient âgés de 20, 38, 47 et 55 ans. Deux d’entre eux, 20 et 47 ans, étaient absents, le quarantenaire, surnommé «le fou», en fuite et objet d’un mandat d’arrêt depuis juin 2022. Les deux autres, 38 et 55 ans, comparaissaient libres et étaient présents à l’audience.

Une information anonyme à l’origine de l’interpellation d’un revendeur

A la suite d’une «information anonyme, commence le président du tribunal, la police va apprendre qu’un individu se livre à un trafic de stupéfiants dans une rue de Saint Gaudens». Les policiers se sont alors rendus sur les lieux pour découvrir un jeune de 20 ans qui se livrait au trafic de stupéfiants (dont les prix étaient même affichés à l’entrée de l’appartement). Le jeune homme, abandonné à la naissance, s’adonnait aux stupéfiants, puis aux boissons fortes, depuis l’âge de 11 ans. Son casier judiciaire portait mention d’une condamnation en 2021 pour dégradations, violences et menaces de mort. Il a reconnu consommer et revendre du cannabis.

Un fournisseur sous bracelet électronique pris en flagrant délit

Les enquêteurs ont ensuite  interpellé son fournisseur en flagrant délit de vente de résine de cannabis: il s’agissait de l’un des deux détenus incarcérés, présent dans le box (41 ans), déjà condamné à onze reprises. Il récupérait le produit qui lui était livré par un convoyeur, et il le destinait à des revendeurs.

Il était alors porteur d’un bracelet électronique avec obligation de respecter des horaires d’assignation.

Il a reconnu s’être approvisionné auprès du transporteur, «3 ou 4 fois», pour «3 ou 4 kg» en tout, mais il ne sait pas ce que cela lui a rapporté financièrement. Cela ne lui aurait pas rapporté grand-chose, parce qu’il était un simple intermédiaire.

Il a invoqué ses lourds  problèmes financiers: «avec l’argent, je payais mes dettes et je partais en vacances avec mes enfants; je regrette, jamais je n’aurait dû le faire» a soufflé le grand gaillard d’une petite voix.

Un transporteur intercepté à son retour d’Espagne

Les enquêteurs ont mis en place un dispositif de surveillance et d’écoutes téléphoniques et découvert le transporteur qui importait le produit d’Espagne en France, un homme de 55 ans, sous curatelle, mais «capable de s’opposer à un projet illégal» selon l’expert psychiatre.

Il avait été interpellé à son retour d’Espagne. Il devait amener des «tartines» dans la région parisienne. Cet homme sans casier judiciaire était en possession de 18 sacs de résine de cannabis pour un poids total de 5,870 kg.

Il «passe à table» selon l’expression du président, explique son rôle de convoyeur, reconnaît «3 ou 4» voyages pour un gain global de 1800 euros, et une 15aine de kg d’herbe de cannabis transportés en tout. Il a déclaré ignorer où elle était cultivée, bien qu’il se soit rendu chez le producteur.

Un intermédiaire?…

L’homme de 52 ans présent dans le box, demeurant à Saint Gaudens et hébergé en Espagne, servait d’intermédiaire entre le convoyeur commingeois et un producteur en Espagne (47 ans, dit «le fou», en fuite et objet d’un mandat d’arrêt).  Son casier judiciaire fait mention de trois condamnations entre 2004 et 2007.

Père et grand-père, il ne sait ni lire, ni écrire. Il souffre de trois pathologies, problème de thyroïde, d’hypertension et de diabète. Il perçoit chaque mois 900 € d’allocation au titre d’adulte handicapé.

Le transporteur l’a identifié comme le superviseur des opérations. Au juge qui lui a fait observer que le transporteur l’a décrit comme le chef, il a répondu laconiquement «je ne suis pas le chef».  Un client consommateur l’ayant vu en Espagne confectionner des sacs thermosoudés pour les remettre au transporteur, il a nié: «ce n’était pas mon travail». Il a aussi nié avoir aidé le transporteur à charger le véhicule. Il a tenu à s’en tenir à son rôle d’entremetteur, entre le convoyeur français  et le producteur espagnol. Lors de son interpellation, il avait tenté de faire disparaître le cannabis dans les toilettes «par peur» a-t-il dit au président du tribunal qui lui a fait remarquer qu’il a déjà été condamné pour trafic de stupéfiants. Il a glissé alors, impavide, «c’est inconscient».

Un autre revendeur

Le quatrième prévenu, le deuxième personnage présent à l’audience en liberté, est un héraultais de 38 ans, vierge de toute condamnation. «En galère», il a déclaré aux enquêteurs «j’ai essayé de m’en sortir comme ça (…) C’est un engrenage tellement simple. A Montpellier tout le monde le fait (…) Dans ma génération beaucoup de personnes fument».

Lors de la perquisition de son domicile, il a aussi tenté de se débarrasser du produit. Les policiers ont trouvé 6 600 euros en espèces. Il revendait le produit que lui avait livré le convoyeur en remplacement du personnage sous bracelet électronique qui  était dans l’obligation de respecter des horaires d’assignation et ne pouvait se déplacer.

Ce prévenu qui se présente en chemise blanche et cravate parait désormais inséré dans la société. Il est titulaire d’un contrat de travail avec un revenu de quelques 2 400 euros: «aujourd’hui, j’ai une bonne situation, a-t-il déclaré, j’aurais pu y arriver sans passer par là».

Tous coupables, peines de prison assortis de maintien en détention ou de sursis

Les prévenus présents à l’audience ont tous, peu ou prou reconnu leur implication dans le réseau. Ils ont tous été reconnus coupables, partiellement ou en totalité, des faits reprochés.

Le jeune de 20 ans a écopé de 10 mois de prison fermes susceptibles d’un éventuel aménagement par le juge d’application des peines.

Le fournisseur déjà sous bracelet électronique a été relaxé du fait de transport non autorisé de produits stupéfiants. Il a été condamné à 30 mois de prison avec maintien en détention pour les faits en récidive d’acquisition, de détention et d’offre de stupéfiants.

Le transporteur a été relaxé du fait de détention de stupéfiants, mais condamné à 24 mois de prison, dont 16 assortis d’un sursis simple, pour transport et importation non autorisés  de stupéfiants. Les 8 autres mois étaient couverts par  le temps de détention déjà effectuée.

L’intermédiaire a été condamné pour complicité d’offre et de cession de stupéfiants, pour complicité de transport et d’importation en récidive de stupéfiants: 2 ans de prison fermes avec maintien en détention.

Le revendeur héraultais a été condamné à 24 mois de prison intégralement assortis d’un sursis simple.

Quant au cultivateur et producteur de cannabis en fuite, mandat d’arrêt en cours, il a été condamné à 3 ans d’emprisonnement ferme.

La mystérieuse mama…

Lors de l’audience, un personnage absent et mystérieux, appelé «la mama», s’est invité dans les débats parce que destinataire de sommes d’argent générées par le trafic.

Le fournisseur sous bracelet électronique de 41 ans a reconnu avoir remis  à l’entremetteur des sommes destinées à ce personnage transparent. Des sommes importantes lui auraient été transmises, puisque 10 000 € pour le même destinataire auraient aussi été convoyés par le transporteur. Mais personne ne connaît «la mama». Pas même le jeune héraultais qui a été recruté par ce personnage sur WhatsApp: «je ne sais pas qui est la mama» a-t-il signifié, faisant écho aux affirmations unanimes des co-prévenus présents. Pourtant un tel surnom familier, quasi affectueux, suggère une belle proximité avec  un ou plusieurs d’entre eux… Il est vrai qu’il restait encore un fuyard, toujours en train de courir.

 

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