Une voix puissante se fait entendre à Aspet – Le Député Jean Lassale signe son livre « Aurore du crépuscule : Résistons!

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Une voix puissante des territoires se fait entendre à Aspet – Le Député Jean Lassale signe son livre

« Aurore du crépuscule : Résistons !»

Nous pouvions ce matin du jeudi 28 octobre prendre la mesure de l’audience du Député Lassalle au regard de la longueur de la file d’attente pour la signature de son livre au point presse d’Aspet.

Certains sont venus de Toulouse. La file d’attente s’allongeant, interminable durant ces presque trois heures de signature de son dernier livre Aurore du crépuscule  du Cherche Midi.

Au-delà de la présentation du livre qui s’impose à certains comme une lecture nécessaire, c’est aussi un candidat à la Présidence de la République que nous avons entendu.

Petite République : « Pouvez vous nous dire le lien entre votre participation à la campagne présidentielle et la présentation de votre livre aujourd’hui à Aspet ? 

Jean Lassale : « Comme ce livre est sorti en pleine période du Covid, il n’a pas bénéficié de la notoriété qu’il aurait eu en temps normal. J’ai écrit sans le savoir l’arrivée et l’après Covid. J’ai voulu dire notre temps, et pourquoi au fond nous sommes anxieux, et pourquoi nous en sommes arrivés là ! Avec introspection et regard sur le passé, j’ai voulu savoir où nous allons, si nous savions si on allait quelque part. J’ai dit comment selon moi on pouvait sortir de cette période qui n’est pas heureuse, pour aller vers un matin aux yeux de lumière, comme ce que nous voyons aujourd’hui à Aspet.

PR : « Au plan politique et dans la société en générale, comment entretenir l’espoir ? Est-ce que les professionnels de la politique selon vous sont en capacité de nous offrir cette voie d’espérance ? Est-ce qu’ils sont suffisamment libres des pressions du Monde de la finance pour engager des actions dans les territoires où l’on se sent phagocyté par la gouvernance parisienne. Comment le politique peut entretenir l’espoir chez les gens ? C’est cette demande forte que l’on ressent dans la rumeur de fond des territoires : la résistance aux masques et aux Passe-sanitaire entre autres sujets.»

JL : « Ça procède de la même chose au fond. Je ne peux parler aux noms des politiques, je ne peux m’exprimer qu’en mon nom. Nous sommes tous des cas singuliers. J’ai eu la chance d’être élu très jeune. A 21 ans j’étais berger. J’ai été maire durant quarante ans. J’ai eu tous les mandats locaux que l’on peut avoir. Député depuis vingt ans et Président de l’Association des montagnes du Monde, j’ai écouté mon père berger lui aussi qui me disait ; « Prends un travail à côté de ton mandat ! Ce n’est pas bien de vivre de la politique. Tu seras payé, mais si tu vis de la politique, tu vas accepter de l’argent sans que tu l’aies mérité. Tu dépenseras cet argent très facilement. Tu vas oublier le monsieur qui te l’a porté, mais lui viendra te voir un jour, mais ce ne sera pas le jour qui t’arrangera le plus. ». Donc, j’ai travaillé à côté de mes mandats. J’ai fait de l’ingénierie conseil, monter des projets (assainissement, eau potable, irrigation, distribution électrique). J’ai connu les difficultés d’être jeune entrepreneur à l’époque, et aujourd’hui c’est encore plus difficile pour les jeunes.

PR : « A propos de votre expérience ; nous avons vécu le regroupement des cantons et des communautés de communes et la perte de pouvoir des municipalités. Quelle trace ces réformes ont laissé dans votre réflexion ?

JL : « Je vous remercie infiniment de cette question. Vous n’êtes pas très nombreux à la poser. Pourtant c’est une question fondamentale. Je vous remercie de le faire, parce que ça montre que vous connaissez et que vous aimez profondément la France des territoires. C’est une France très ancienne. Effectivement, nous avons eu ces trente dernières années une politique scandaleuse à l’égard de nos territoires. Nous avons beaucoup abimé le maire. Le Maire en France était un des plus puissants du Monde. Les révolutionnaires l’avaient voulu ainsi, parce que face au curé qui était costaud à l’époque, les maires étaient chargés de veiller au bien commun, soit un bien qui n’appartient à personne mais qui appartient à tous. Il avait les moyens de le faire avec le Conseil Général. Ce qui était très démocratique parce que la commune élisait une équipe municipale, qui à son tour élisait le Maire, et le Conseil Général était composé d’un délégué par canton qui ne soit pas à plus d’une journée de cheval de la Préfecture. Ça mettait tout le monde dans l’esprit de cette devise que j’ose exprimer : « Liberté, Egalité, Fraternité ». En triplan ou en quadruplant la taille des cantons, on a coupé ce lien quotidien entre le conseiller départemental, le maire et les citoyens du territoire. Ça été très douloureux parce que le Conseiller Général était un des élus les mieux élus de France. Ça donnait lieu à des campagnes électorales extraordinaires, parce que ça ressemblait un peu à l’élection du Président de la République. C’était une élection dure et difficile. Malheureusement on a mis quatre fois plus de territoire. C’est beaucoup trop grand. Heureusement on a mis une femme et un homme, ça c’est beau ! Mais on aurait pu faire ça autrement pour mettre mieux en valeur la complémentarité d’une femme et d’un homme en politique, ce qui mérite d’être fait plutôt que de sacrifier le canton. La Commune réduite aux acquêts, à qui l’on a pratiquement enlevé tous les moyens, alors que nous avons tous au fond de nous même un peu de Commune, et en particulier celle dans laquelle nous vivons quotidiennement, où un jour peut être nos yeux se fermeront pour toujours ; cette Commune, nous en avons besoin ! Si je suis élu, j’abrogerais la Loi NOTRe (7 août 2015), parce que ça ne s’inscrit pas du tout dans la longue histoire, et dans la longue tradition de notre pays.

Intervention d’une passante: J’ai été élue dans mon village. Les maires sont en train de se faire complètement spolier de leurs prérogatives par les syndicats. Les points importants de service public (distribution de l’eau, l’électricité, etc.). Le maire pouvait s’absenter trois mois et rien de bougeait. C’est géré par la secrétaire, les Présidents de syndicat, présents ou absents, ça ne change rien.

JL : Il y a ces trois phrases qui résument cette situation : « Qui est contre ? Qui s’abstient, je vous remercie ! ». Voilà à quoi se résument des heures et des heures de discussion. On a l’impression que c’est le Moyen-âge. François Mitterrand avait eu cette phrase extraordinaire : « Je ne toucherai jamais aux communes, ni aux maires, ni aux mairies, ces endroits extraordinaires où on est capable de s’entretuer pour l’entretien d’un chemin de terre ». Ça veut dire qu’il connaissait la France, ce qu’ignore notre Président Emmanuel. Depuis le temps que je suis élu, et que j’ai arpenté le territoire dans tous les coins, j’en sais la substance. J’abrogerai cette Loi NOTRe. Le Maire et sa Commune, c’est une fusion. Même celui qui n’a pas voté pour le maire est heureux de le voir porter le drapeau le jour du 14 juillet, le voir à la célébration du mariage, de le rencontrer pour les démarches officielles.

Aujourd’hui, on a voulu simplifier, et on a compliqué à l’extrême. Comment voulez vous exister dans ces immensités des Communautés de Communes avec comme chez moi trois cent participants, alors qu’il y en que trois qui parlent, toujours les mêmes. Je connais des maires qui n’osent même pas se faire accompagner d’un adjoint parce qu’ils ne veulent pas que leur adjoint les voit assis à la trois cent deuxième place, en disant : « Notre Commune ne mérite pas ça ! ». On a voulu enlever une couche aux mille-feuilles, mais on en a rajouter une autre. François Mitterrand, toujours lui avait eu cette idée géniale qu’il faut reconnaître : « On dit que les communes ne peuvent pas y arriver, mais qu’elles fassent ce qu’elles peuvent, et si elles veulent ensuite faire des communautés de communes, mais à taille humaine ». Gastounet de Marseille (Gaston Deferre), qui était malin comme un singe, a agencé tout ça, mais à taille humaine, soit dans le cadre d’une vallée, un bassin de vie, et on choisissait un maire parmi les maires, lesquels s’en remettaient à leur conseil municipal. La dimension rendait la discussion possible. Aujourd’hui, les communes sont déboursées du percepteur qui n’existe même plus dans leur commune, qui n’est plus là pour contrôler. Les habitants ne savent pas que c’est avec leurs deniers que l’on a fait ceci ou cela. Le jour de l’inauguration, avec quelques personnes présentes, alors que la population ne comprend même pas de quoi il s’agit. C’est une perte  de sens considérable !

PR : Au-delà de tout jugement, il y a en Comminges une situation objectivement difficile : la coexistence des bergers et des ours. Les estives demeurent un marqueur de nos territoires de montagne dans le tissu social et culturel du Comminges. Quelle est votre approche de ce sujet ? Quelle ligne d’espérance est encore possible pour cette activité pastorale ?

JL  Je suis certainement le seul parmi tous les candidats qui ait vécu dans une cabane à 2700 mètres d’altitude avec mon papa, et plus tard mon jeune frère l’expérience de l’attaque de l’ours en pleine nuit. Nous dormions dans un tout petit cabanon couvert de tôles. Et tout d’un coup un fracas qui s’abat sur ces tôles. C’étaient les brebis effrayées qui venaient chercher protection. J’avais le cœur qui battait tellement fort que j’avais l’impression qu’il allait éclater dans ma poitrine. Et papa sortait avec un bâton, tu t’imagine ? Il revenait et disait : « Il nous en a tué deux encore ! ». D’autres fois un soir d’orage l’ours pouvait précipiter cinquante ou cent brebis du haut d’une falaise. Quand on a vécu ça, on est marqué toute la vie. Au début de ma carrière d’élu, dans le cadre de ma nouvelle présidence du Parc National, j’ai voulu sauver les sept ours qui vivaient encore en Béarn. Il y en avait nulle part ailleurs, même pas en Bigorre. J’ai voulu ramener deux ours de Cantabrique (Asturies), parce que ce sont des sœurs. L’Etat ne m’a pas suivit, il était sur un autre registre, celui de la sensiblerie, pas la sensibilité. Il n’était pas sensible à ceux qui étaient privés de leur lieu de naissance, de leur village, de leurs champs, de leurs rêves, pour vendre derrière un produit touristique. Je suis arrivé aujourd’hui à penser que la cohabitation entre cette si vielle tradition du pastoralisme et de la transhumance et l’ours n’est pas possible. On peut avoir des ours dans des territoires où il n’y a pas âmes qui vivent, mais que l’on les y laisse. Comment les imaginer vivre au milieu des moutons ? C’est pour eux une tentation permanente d’aller prélever quelques bêtes dans les troupeaux. On me dit : « Lassale il est contre l’ours ! », mais Lassale il a fait ça. Et Lassale il voit le mensonge permanent dans lequel nous sommes tenus. Aujourd’hui, même les maires sont obligés de mentir parce qu’ils perdraient la petite subvention qu’il leur reste. Ne parlons pas des députés et sénateurs et des préfets qui mentent sur ce sujet comme des arracheurs de dents jour et nuit. Un Préfet ce n’est pas fait pour mentir.

Pr : Vous m’autorisez à l’écrire tout ça ?

Tout ça oui ! Donc, nous sommes devenus des menteurs qui n’arrêtent pas de mentir à des pauvres gens qui n’ont plus rien, alors qu’ils aiment passionnément ce métier. Tout ça pour imiter des pays qui ont beaucoup de mérites, mais pas celui-là et que l’on nous vend en exemple : l’Espagne, l’Italie, la Slovénie, la Roumanie font semblant depuis quarante ans d’avoir une transumance, mais elle est morte. Ils l’ont touristirisée, mais elle n’est plus une réalité comme chez nous. L’homme s’est sédentarisé, mais il est demeuré dans nos montagnes transhumant. Mon père connaissait cette antiquité de notre histoire. Il avait beaucoup de respect pour l’homme du voyage, le berger. Laissons ces femmes et ces hommes avec leurs animaux et qui nous font de si beaux produits de pouvoir continuer. Sinon nous allons les perdre. Nous sommes peut-être à la veille de ce qui est la mort d’une des plus belles signatures de la France. Si je suis élu, je sortirai la France de la Convention de Berne !

 

 

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