La guerre de l’eau : Pourquoi veut-on tuer le Syndicat Intercommunal des Eaux des Coteaux du Touch ? (dossier)

Paul Marie Blanc
Paul Marie Blanc

Une véritable guerre de l’eau s’est installée sur notre territoire relayant au second plan les notions de solidarité. David contre Goliath!  Les communes péri-urbaines veulent-elles anéantir les communes rurales ? Le prix de l’eau est-il le seul critère à retenir ? Le tout sur une suspicion de prise illégale d’intérêt dont le tribunal a été saisi.

Malgré l’avis largement défavorable des élus de la Commission Départementale de Coopération Intercommunale du département, malgré un refus et une mise en garde du Préfet et malgré la décision du juge des référés qui a suspendu la délibération du 9 février, André Mandement président du Muretain Agglomération déclenche la guerre de l’eau qui fera de très gros dégâts et laissera vraisemblablement des cicatrices indélébiles.

C’est ce Mardi 25 mai 2021 que le conseil communautaire du Muretain Agglo devra se prononcer sur une reprise de la compétence eau au SIECT (Syndicat Intercommunal des Eaux des Coteaux du Touch).

Interview de Paul Marie Blanc président du Syndicat Intercommunal des Eaux des Coteaux du Touch, maire de Bérat et président de la communauté de communes Cœur de Garonne qui détaille les tenants et aboutissants de ce qui ressemble à une tentative d’OPA.

La Petite République : Mardi 25 mai, le conseil communautaire du Muretain Agglo se prononcera sur une reprise de la compétence eau au SIECT (Syndicat Intercommunal des Eaux des Coteaux du Touch). Pouvez-vous nous expliquer les raisons de cette nouvelle demande ?

Paul-Marie Blanc : En effet, pour la 3e fois en quelques mois, l’agglomération du Muretain réitère sa tentative de récupérer 16 000 abonnés du SIECT pour les basculer au syndicat du Sivom SAGE. Les raisons sont simples, le SAGE doit financer de très lourds investissements pour répondre aux besoins d’eau sur son secteur et sur Muret. Ses capacités financières ne lui permettent pas de réaliser les 30 millions d’investissements prévus sur les 3 prochaines années. En augmentant son nombre d’abonnés de 60 % il trouve une réponse immédiate à son problème au détriment des communes rurales du SIECT.

LPR : Selon vous, c’est une guerre entre les villes urbaines et les villages ruraux ?

PMB : Je ne parlerais pas de « guerre » mais c’est clairement une attaque contre un service public qui s’est construit sur un équilibre entre des communes périurbaines et d’autres plus rurales. Le SIECT a bâti un réseau de 1500 km sur ce principe de solidarité depuis 70 ans. Certains aujourd’hui voudraient tous casser en ne regardant que leur propre intérêt.

LPR : A ce sujet, qui a intérêt à reprendre les 14 communes du Muretain aujourd’hui desservies par le SIECT et dans quel but ?

PMB : La demande émane du Muretain Agglo et de son président André Mandement. C’est lui qui a présenté la première fois le projet de retrait en décembre 2020 en ne recueillant que 6 voix favorables sur 37 auprès de la Commission Départementale de Coopération Intercommunale. Cela montrait déjà les inquiétudes soulevées par ce retrait. Et puis ce sont les responsables du SAGE, son président Alain Delsol et son directeur Christophe Delahaye qui organisent depuis des mois des réunions pour justifier cette manœuvre. Des réunions au cours desquelles ils omettent bien sûr de montrer toutes les conséquences négatives. Il n’existe d’ailleurs aucune étude d’impact indépendante permettant de mesurer ces conséquences de façon objective. Il faudrait commencer par là et puis se mettre autour d’une table pour en discuter.

LPR : Comment vous voyez le fait que ces élus participent à ce débat et votent en conseil d’agglomération une décision qui va favoriser leur propre syndicat ?

PMB : Je le vois comme une position de juge et partie et la question de la prise illégale d’intérêts se pose clairement. Nous l’avons d’ailleurs portée devant le tribunal qui doit trancher cette question. Le juge des référés a déjà suspendu la délibération précédente pour un manque d’informations. Le bon sens voudrait qu’on attende aujourd’hui la décision du tribunal administratif sur le fond de l’affaire avant d’envisager quoi que ce soit.

LPR : Parmi les arguments mis en avant pour justifier cette reprise de compétence, il y a la question du prix de l’eau. Aujourd’hui le SAGE propose un prix inférieur à celui du SIECT et cet argument touche les abonnés. Comment expliquez-vous cet écart ?

PMB : Le SIECT gère un réseau essentiellement rural et on sait que le coût du mètre cube y est plus élevé qu’en milieu urbain du fait du linéaire de réseau. La seconde raison concerne les investissements. Le SIECT a réalisé l’essentiel de ses équipements en matière de production et de stockage. À l’inverse le SAGE accuse un retard important. Il vient à peine de lancer la construction de l’usine de Saubens pour 15 millions d’euros qui doit alimenter également la ville de Muret. L’étude préalable a montré une insuffisance et une vulnérabilité des ouvrages de production et de stockage. Nous ne sommes pas dans cette situation. Nous avons demandé à un bureau indépendant spécialisé dans le domaine de l’eau d’étudier cette question. Il en a conclu que le SAGE devra augmenter d’au moins 17 % son prix actuel pour combler le manque d’équipements. Le prix du SIECT est dans la moyenne de celui constaté sur tout le grand sud-ouest et celui du SAGE s’en rapprochera tôt ou tard.

LPR : De nombreux usagers s’interrogent également sur la qualité de l’eau. Or, on voit bien que le prix devient un sujet sensible. Comment garantir aux abonnés une eau de qualité à un juste prix ?

PMB : Selon moi c’est l’enjeu des années à venir et les déclarations des responsables du SAGE en la matière devraient interpeller tous nos concitoyens. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai décidé de communiquer sur ce qui se passe actuellement sinon on pourrait me le reprocher. Avoir un prix de l’eau plus bas que les autres est devenu le leitmotiv d’André Mandement et des responsables du SAGE. Pour y arriver ils sont obligés aujourd’hui de piquer des abonnés et des équipements chez le voisin mais ce qui est plus grave c’est qu’ils sont aussi prêts à baisser le niveau de traitement. Nous utilisons au SIECT un système d’ultrafiltration qui est un des process les plus performants. La SAGE veut l’abandonner et Christophe Delahaye a déjà prévenu certains élus que l’eau du robinet allait avoir un goût. Je me refuse à adopter cette politique d’une eau « low cost » menée au détriment de la qualité de l’eau. »

Petite République sera présente au conseil communautaire du mardi 25 mai 2025 pour entendre les arguments du président Mandement et des responsables du SAGE, son président Alain Delsol et son directeur Christophe Delahaye, chacun ayant fi de l’avis du Prefet et de la commission départementale

Les pièces à conviction fournies par Paul Marie Blanc :

Lettre Préfet aux Maires

Sivom SAGE

Carte du réseau

 

 

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