Sportif de haut niveau le dimanche, quelle alternative face au coronavirus ?

L’heure n’est-elle pas à la dérision et s’entraîner n’est-il pas devenu dérisoire ?

Coureurs de long fond, de grands espaces, besoin inaltérable d’élargir son horizon, de courir, courir quotidiennement  jusqu’à ce que l’organisme se repaisse  d’endorphines, exutoire incontournable du stress de l’activité de la vie quotidienne, le corps passé sous la douche et le gain de la sensation de bien être, d’être bien vivant.  Combien d’athlètes sont ainsi addicts aux endorphines ? Les voilà aujourd’hui privés de parcs, de forêts, d’espaces, confinés chez eux, contraints à n’évoluer en solitaire dans un périmètre d’un kilomètre, à courir sur un tapis dans un garage ou à s’escrimer sur un vélo elliptique bien calé devant une télévision qui diffuse en boucles des images et des chiffres de guerre. 80 tours du pâté de maison, le tournez manège du quartier ou celui de la télévision. Myriam est de ceux qui font çà.

Joueurs de rugby, joueurs de contacts qui aiment la rivalité, l’adversité, le rentre dedans, l’entrechoc de cages thoraciques, l’unité avec ses partenaires et l’esprit commun de sa propre équipe. Les entraînements ont été suspendus. Les gars sont privés de leurs copains, de leur entraîneur, du bien être si spécifique à se retrouver ensemble pour jouer, résolus chacun de leur côté à n’entretenir la relation par réseaux sociaux, ces réseaux mêmes qui partagent en boucles les vérités et leurs contre-vérités, les vannes fumantes et les fakes à pro diffusion. Jordan, le préparateur physique a laissé ses consignes : respecter les mesures barrières. La salle de muscu est ouverte au compte-gouttes, une par une, puis scrupuleusement désinfectée après chaque passage. Chacun a son programme, il ressemble à celui d’une plus longue intersaison, privilégie l’hypertrophie, le développement de ses capacités musculaires, des efforts courts et intenses. Guillaume est de ceux qui font çà.

La piscine est fermée et, à la maison, la baignoire n’offre guère plus qu’une simple sensation de trempette. Passés de l’océan à un  aquarium, les Marsouins du Comminges ont leurs nageoires ligaturés et ne se contentent plus que de souffler de dépit des bulles dans l’eau d’un lavabo. C’est une catastrophe pour le poisson nommé Cédric qui s’apprêtait à gagner l’équipe de France pour représenter le drapeau tricolore aux championnats d’Europe. Tout est en rade. Emma vit à la campagne et trottine timidement, seule entre deux champs. Elle maintient aussi son cardio sur un vélo elliptique. L’eau vitale du nageur ne se ressent plus que sous la douche. Asphyxie.

Après s’être évertué une bonne demi-heure avec une corde à sauter, en pas chassés, le boxeur s’aligne seul face à son punching ball. Il sautille, alerte, attentif aux éventuelles attaques d’un adversaire virtuel. Il s’approche et assène un coup droit, pleine face du sac, l’ébranlant à peine. Il enchaîne d’un coup gauche, un coup de bas en haut. Les deux boules de cuir caressent une nouvelle fois le mastodonte de sable. Puis, virevoltant, l’assaillant décroche un coup de pied droit, très haut, aux confins de la chaine qui suspend le gros sac à la poutre du garage. Le boxeur parle à son adversaire  mais, assommé, celui-ci ne répond pas. Tyson est de ceux-là.

En jogging du matin au soir, alternant les couleurs du PSG à celle de l’OL, le maillot de Mbappé à celui des coronavirussés  de la Juve, l’adolescent ne sait plus vraiment où est son pyjama. Sa chambre est recouverte de posters de ses idoles et les dieux affichés semblent toujours porter sur l’enfant leurs regards bienveillants. Entre les pieds de tables ou de chaises de la salle à manger, sur le tapis du salon face à la télé allumée, le ballon collé à la semelle, l’ado frustré de pelouse s’adonne à des dribbles mystificateurs, profitant des murs pour lui renvoyer en une – deux avisés le ballon coloré. Le carré de jardin, pour le bienheureux footballeur qui en dispose, a été transformé en stade Maracanà. Un seul but : marquer dans une cage grande ouverte. Pas de olas. Alors l’heure des exercices de jonglage avec un rouleau de papier toilette. Les images de prestations individuelles pullulent depuis quelques jours les réseaux sociaux. Jules est de ceux-là.

Quant aux cyclistes, ce n’est plus la Vie Claire. Ils courent après leurs ombres. La pratique du vélo est désormais interdite, même pour se déplacer à proximité faire un achat de première nécessité. Et la maréchaussée veille. La petite reine reste pendue à son clou et seules les araignées se plaisent encore dans leurs rayons. Contraint et forcé, privé de ses 250 km de sorties quotidiennes, ce cyclotouriste de haut vol n’est pas en reste. Sur sa terrasse, le regard levé face aux montagnes qui définissent son inlassable horizon, il pédale sur une machine sans roues. Le col est pourtant fermé mais çà continue de grimper. Damien reste de ceux-là.

La frustration s’est insérée partout sous les maillots, telle un virus. Elle dépose un froid dans le dos qui fait trembler l’échine. Passant sans sortir, nous serons vite passés. Sportons-nous tous  vite bien mieux.

 

 

 

 

 

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