Plagne : Nous sommes tous Josette Boué

Nous sommes tous Josette Boué

Laissez la vivre et travailler en paix

Parce qu’elle n’a pas envoyé un papier à l’administration disant que les vaches déménageaient en 2000, Josette Boué agricultrice de 65 ans est menacée de devoir cesser son activité, sa raison de vivre, sa nécessité économique.

C’est en mars 1966 que Josette Boué, jeune fille pleine d’entrain et de joie de vivre, vient s’installer à Plagne, joli petit bourg à flanc de colline. Elle vient d’épouser Aimé, enfant du village. Ensemble, ils exploitent une petite ferme familiale où l’on pratique principalement l’élevage. Comme le dirait  la contine pour enfants, il y a là veaux, vaches, cochons, poulets et canards. Ah… ! on n’est pas dans les exploitations industrielles de la Beauce! Il faut travailler dur pour gagner sa vie et les journées de labeur, interminables, se rythment avec le lever et le coucher du soleil. En été, on s’occupe des foins et des céréales. L’hiver, dans le bâtiment d’élevage, il faut nourrir les bêtes et gaver les canards. Aucun jour de repos car c’est tous les jours qu’il faut traire les vaches.
Même si la vie est parfois dure, Josette ne se plaint jamais. Travailler c’est sa vie et son bonheur.  Elle ne sait faire que cela, mis à part s’occuper de sa famille. En 1981, tout bascule.  Aimé a un grave accident de travail. Handicapé à 80 %, il ne pourra plus travailler. Alors, seule, avec cette volonté admirable qui la caractérise, Josette Boué va continuer. Elle travaillera deux fois plus, sans jamais se plaindre, s’occupera des bêtes et de la ferme et continuera à gaver ses canards pour voir le bonheur des clients devant la qualité des produits. Aller de l’avant sans se poser de question. Il faut vivre ou parfois même survivre.

A la fin des années 90, Josette Boué comprend qu’il faut moderniser ses installations. Son étable à vaches est devenue trop petite, le plafond est trop bas et il faut presque se baisser pour travailler à l’intérieur. Après moultes difficultés, une stabulation est construite et les vaches rejoignent leur nouvel espace en 2000. Les canards restent sur place, heureux de se retrouver entre soi.

Et tout bascule

Juste à côté de ce vieux bâtiment d’élevage, dans le bourg du village, se situe une autre étable du même type. Contre l’avis de la chambre d’agriculture et d’autres services compétents, monsieur Rouaix, maire de Plagne, accorde un permis de construire. Cette masure devient alors une maison d’habitation. Ce sont des toulousains qui viennent s’y installer, l’occupant à titre de résidence secondaire. Les gens de la ville n’aiment pas les odeurs de la campagne et les chants du coq le matin. Alors on envoie les gendarmes pour que cette «criminelle» rentre dans le rang et que le coq provocateur se taise. L’atelier de gavage de canards devient alors le lieu qu’il faut absolument fermer. Pourtant ce bâtiment avait été déclaré en tant que « bâtiment d’élevage » avec permis de construire, et cela, quoi qu’il abrite comme animaux. Ah ! si monsieur le Maire l’avait positionné sur la carte communale comme il aurait du ou pu le faire, toute construction à proximité aurait été impossible et il n’y aurait pas eu d’affaire Boué. « Le cœur a ses raisons que la raison ne connait point » disait Blaise Pascal.  A la place sur la volonté du maire, une délibération du conseil municipal demande à Josette Boué de cesser immédiatement ses activités « délictuelles ». C’est une vie qui s’effondre et le début d’une vis sans fin.
A ce jour, le propriétaire de cette nouvelle habitation a disparu. Depuis environ 6 mois, c’est un locataire qui occupe les lieux et il ne se plaint pas de ses voisins palmipèdes!

Devant le tribunal administratif

Le seul moyen de pouvoir continuer à travailler était donc de contester la validité du permis de construire. Abattue, non habituée au prétoire, Josette Boué voulait tout abandonner. Soutenue par un collectif, elle a confié le dossier à un avocat.
Depuis quelques semaines, Josette Boué ne dormait plus. Son médecin avait dû la mettre sous traitement pour diminuer son angoisse et l’aider à se reposer. La date fatidique du procès était là. Malgré son désarroi profond, malgré sa peur, malgré son découragement, malgré son incompréhension d’une société injuste, Josette Boué a accompagné son avocate au tribunal administratif. Un acte symbolique pour dire simplement « Mais pourquoi cet acharnement, laissez moi travailler »
Que reproche-t-on à cette délinquante de grands chemins ?
Sans rentrer dans un débat juridique qui serait trop fastidieux, le reproche que l’on fait à Josette Boué est, en fait, de ne pas avoir signalé aux autorités administratives  par écrit le déménagement des vaches en 2000 et le maintien des canards! Chose évidente pour une femme de 65 ans qui ne connaît rien aux subtilités d’une Loi que chacun est censé connaître ! Mais qui l’aurait fait à sa place ? La rapporteuse du tribunal administrative  n’a pas été insensible au cas de Josette Boué. Elle s’est montrée impressionnée par toutes les attestations fournies mais qui, à son sens, n’apportaient pas une preuve formelle. Chose rare dans ce lieu, la rapporteuse a émis des doutes à plusieurs reprises, laissant une porte ouverte à la décision des juges. Jugement en délibéré.

Josette Boué a repris sans entrain son activité avec ce couperet au dessus de sa tête. Le cœur n’y est pas parce que le sentiment d’injustice est trop fort. L’impression du pot de terre contre le pot de fer et que la puissance publique est un rouleau compresseur programmé pour la détruire.
Que chacun puisse mesurer ces actes qui peuvent apparaître comme de l’acharnement.
Josette Boué ne demande qu’à travailler et vivre en paix.

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