Tribunal de Saint Gaudens : 3 ans de détention pour avoir agressé une jeune femme. A-t-on eu toute la Vérité?

Un prévenu a été jugé ce jeudi 19 août au tribunal de Saint Gaudens pour violence suivie d’incapacité supérieure à 8 jours. L’individu devait répondre d’une agression commise sur une jeune femme à Gourdan Polignan, le 9 juillet 2020, à proximité de la passerelle piétonne qui surplombe la Garonne et mène à la base de loisirs de Montréjeau.

Le prévenu, âgé de 33 ans, consommateur d’alcool, de cannabis, est sous traitement médical depuis des années. Le 9 juillet 2020, iI a effectué un étranglement par surprise et par derrière sur une jeune femme qui se promenait. Après l’avoir ainsi garrottée et projetée sur le sol face contre terre pendant, semble-t-il, une minute, l’agresseur s’est enfui. En détention depuis le 15 juillet 2021, il a reconnu les faits, au moins partiellement. Ce 19 août 2021 au tribunal de Saint Gaudens, le prévenu entouré de deux gendarmes, très calme, apparemment sous l’effet de médicaments, déclare: «j’ai pété les plombs, j’avais pris de l’alcool, je n’avais pas pris mon traitement, oui je l’ai étranglée». A la présidente qui lui demande pourquoi il s’est enfui, il répond: « j’ai eu peur ». De quoi ? «Je ne sais pas». De l’avoir étranglée, tuée ? «Oui».  Ses réponses  sont à peine audibles.

Des zones d’ombres

Il demeure cependant des éléments factuels sans explications. La jeune femme a repris connaissance dans un buisson, sans chaussures ni chaussette, sans téléphone, la culotte déchirée dans sa partie supérieure. L’examen médical avait fait le constat d’hématomes, contusions, douleurs au niveau du plancher orbital pouvant faire craindre un décollement de la rétine susceptible d’apparaitre plusieurs jours après les faits, une lésion sur la face antérieure du cou, un état de choc justifiant un soutien thérapeutique. Dans sa lettre au tribunal expliquant son refus de paraitre à l’audience au cours de laquelle elle ne veut pas revivre les affres de son agression, la victime écrit avoir eu peur de mourir.

Ce sont des prélèvements ADN, sur le devant de la culotte et dans le dos du tee-shirt de la jeune femme, qui ont conduit à la mise en cause du prévenu et à sa détention depuis le 15 juillet 2021.

Le débat qui s’est installé au sein du tribunal a porté sur la possibilité d’une tentative d’agression sexuelle, ainsi que sur l’éventuelle aliénation du discernement au moment des faits.

Tentative d’agression sexuelle non démontrée

Selon la présidente, la victime pense que l’agression a un caractère sexuel, ce que nie le prévenu.

L’avocat de la plaignante énumère les constats vestimentaires qui plaident en faveur d’une tentative d’agression sexuelle. ». Selon lui, il ne peut y avoir d’autres mobiles. L’agression sexuelle n’a pas été retenue en raison de l’absence de traces ADN «au bon endroit», mais il souligne que les traces d’ADN peuvent aussi disparaitre en fonction de la chaleur et de l’humidité.

L’avocat du prévenu quant à lui s’oppose à la requalification des faits. Le prévenu a mis un terme de lui-même à son agression, sans intervention extérieure.  Son avocat ne retient que la seule infraction de violence «la seule qui existe dans ce dossier».

Compte tenu des éléments en sa possession, le ministère public n’a pas pu faire la démonstration qu’il y avait eu agression sexuelle.

Interrogations sur l’altération du discernement au moment des faits

Quant au discernement du prévenu au moment des faits, l’avocat de la partie civile et celui de la défense se présentent sur deux rives diamétralement opposées.

L’avocat de la plaignante conteste l’expertise psychiatrique demandée par la défense et réalisée en juillet 2021, soit un an après les faits: «Rien dans le rapport ne permet de conclure à un trouble psychique allant jusqu’à l’altération du discernement ». Il rappelle que le prévenu est un consommateur habituel de cannabis, de 25 à 30 joints par jours depuis son adolescence. Il aurait ainsi « développé une tolérance supérieure» permettant de considérer qu’il «était dans son état normal» au moment des faits. Il ajoute que les troubles de la personnalité ne peuvent pas être considérées comme une maladie mentale «contrairement à la psychose». Il conclut à «l’absence d’altération du discernement» et demande la non réduction de peine (pouvant aller jusqu’au tiers de la peine prononcée) pour un prévenu «dangereux qui a une propension à la récidive».

Il est vrai qu’à 33 ans le prévenu a déjà fait l’objet de 17 condamnations depuis l’âge de 14/15 ans et connu 8 années d’incarcération…

L’avocat de la défense excipe du fait que c’est « un dossier particulier, avec une personnalité particulière», « il n’est pas possible de considérer qu’il n’y  a pas abolition du discernement » concernant un individu qui a agressé sa mère dès l’âge de 12 ans, sa sœur et aussi son codétenu en prison. Il a par ailleurs découragé plusieurs personnes en charge de sa curatelle en raison des relations conflictuelles entretenues avec elles. Il prend jusqu’à huit comprimés de médicaments par jour, des antipsychotiques, des neuroleptiques, des anxiolytiques: «c’est un cas lourd», ce n’est pas «quelqu’un qui a la pleine faculté de ses moyens». Ainsi, l’avocat de la défense propose « une hospitalisation d’office, contrainte» et la prescription «d’une injonction thérapeutique nécessitée par son état». En début d’audience, le prévenu avait demandé son hospitalisation pour bénéficier d’un suivi thérapeutique qu’il ne respecte pas quand il bénéficie d’un régime de liberté, et qu’il dit ne suivre que très partiellement quand il est en prison. Son avocat demande en outre d’envisager la possibilité de réduction de peine au tiers de sa quotité, contrairement à la demande de la partie civile.

Un acte particulièrement choquant pour la société

La procureure a souligné «le passage à l’acte particulièrement choquant pour la société». Elle n’a pas retenu l’accusation d’agression sexuelle, dont la reconnaissance est strictement encadrée par la procédure pénale. Elle s’est interrogée sur les multiples atteintes physiques constatées sur la victime, alors que le prévenu «ne parle que d’un étranglement». S’adressant aux juges du siège, elle déclare: «sur les faits, vous allez le déclarer coupable» et demande 3 ans d’emprisonnement. Elle ne s’oppose pas à  la reconnaissance d’altération du discernement, mais elle demande à ce que la diminution de la peine jusqu’au tiers de sa durée ne soit pas appliquée pour un individu présentant des troubles graves, «déjà condamné par deux fois pour agression sexuelle» et qui «n’adhère absolument pas au traitement médical en dehors de l’hospitalisation ou de l’incarcération».

Le verdict

Le prévenu a été reconnu coupable par les juges du siège, condamné à trois ans de maintien en détention susceptible de remise de peine s’il se fait soigner, avec possibilité d’aménagement de peine pour être transféré en milieu hospitalier. Entièrement responsable du préjudice subi par la partie civile, il lui sera redevable de 4370, 29€ au titre de frais de santé, préjudice esthétique et moral. Il devra aussi 1000,00€ pour couvrir les frais de procédure.

§§§

Déjà sous l’effet de son traitement médical qui le rend «mou» selon son propre terme, le prévenu a paru hébété à l’annonce du verdict. Simulation ou réalité? Avant que les juges ne se retirent pour délibérer, il avait déclaré de façon répétitive: «je m’excuse pour ce que j’ai fait, je m’excuse pour ce que j’ai fait». Sincérité ou paroles de circonstance ? Il s’est même flagellé en cours d’audience: « je suis un bon à rien » a-t-il dit. Peut-être, ou pas, mais surtout dangereux. Il ferait presque pitié, s’il avait fait preuve d’empathie pour sa victime, et s’il n’y avait la crainte qu’il ne récidive encore, avec de nouvelles agressions. Jusqu’à commettre l’irréversible ? Toute la complexité d’une situation où la justice doit traiter les conséquences de la désinsertion sociale, veiller à la sécurité des citoyens, à la protection de la société, tout en préconisant des soins de façon à préserver l’espoir d’un avenir moins chaotique pour l’incarcéré.

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