Montréjeau : Valentin Abeille, qui étaient-ils ?

Le buste du grand-père sur la place éponyme

Tous les Montréjeaulais connaissent la place Valentin Abeille au cœur de la cité, mais nombreux sont ceux qui ignorent qu’il y a eu deux Valentin Abeille.

Grand-père et petit-fils

Le premier est né à Montréjeau le 14 février 1843 et  mort à Paris le 30 juin 1902. Il a été conseiller général de Montréjeau, député de la Haute-Garonne (1885-1897), sénateur de la Haute-Garonne (1897-1902), grand-père de Valentin Abeille (1907 – 1944), compagnon de la Libération.

Le grand-père, l’homme politique

Il est fils légitime de Pierre Abeille, boucher, et Marguerite Laborde, femme au foyer. Après des études brillantes, Valentin Abeille débute dans la vie publique comme sous-préfet de Villefranche–Lauragais.  Il occupera ce poste du 25 novembre 1870 au 15 mai 1871. Il se fait ensuite inscrire au barreau de Saint-Gaudens. En 1879, il est nommé sous-préfet de Figeac et en 1883 il rejoint la préfecture du Tarn, Castres, avec la fonction de secrétaire général.

Aux élections législatives du 4 octobre 1885, il se porte candidat pour son premier mandat de député sur la liste dite « Congrès républicains». Trois autres listes étaient en présence. Au second tour, grâce à la concentration qui s’opéra entre les diverses listes républicaines, M. Abeille est élu. Il fut réélu Député de la Haute-Garonne (2ème circonscription de Saint-Gaudens), aux élections générales du 22 septembre 1889. Il fut réélu aux élections générales du 20 août 1893 par 8.681 voix contre 4.078 voix à M. Larrieu, radical socialiste.

Dans sa profession de foi il promettait de s’intéresser tout particulièrement à l’extension de l’assistance publique dans les campagnes, à l’étatisation des mines, des chemins de fer et des canaux. Il se disait partisan d’une révision de la Constitution tendant à donner toujours le dernier mot en matière politique et en matière budgétaire à l’Assemblée issue du suffrage universel.  Il s’engageait en outre à défendre la stricte application du concordat. Il reconnaissait à ce moment que le temps des luttes violentes était révolu.

Élu Sénateur de la Haute-Garonne le 3 janvier 1897, en remplacement de M. de Rémusat, il se démit de son mandat de député le 20 février 1897, et mourut subitement au Palais-Bourbon le 30 juin 1902. Son activité au sénat se borna à la présentation de quelques rapports d’intérêt local. Il était inscrit au groupe de la gauche démocratique. Son éloge funèbre fut prononcé par le Président Armand Fallières, à la séance du 1er juillet 1902. C’est sa statue qui se trouve sur la place éponyme.

Le petit-fils, le grand résistant

Né à Alençon le 8 août 1907, mort à Paris le 2 Juin 1944. Il repose au cimetière de Montréjeau aux côtés de son père Pierre. Lieutenant-Colonel, Chevalier de la Légion d’Honneur, Croix de Guerre 1939-45. (3 citations), Médaille de la Résistance, Croix du Combattant, Compagnon de la Libération – Décret du 28 mai 1945.

Il poursuit des études brillantes au lycée Henry IV à Paris avec son frère jumeau Jean-Pierre, puis à la faculté de droit pour se consacrer à une carrière préfectorale. Reçu second au Concours de Rédacteur de la Préfecture de Police de Paris en 1930, il est tour à tour attaché au cabinet du Préfet de Police et de divers ministres avant d’être nommé sous-chef dans cette même administration. Plus tard, il sera secrétaire du Président Camille Chautemps  dont il est le gendre. En 1938, il est nommé Sous-préfet de Provins en Seine et Marne. A la déclaration de guerre en 1939, il s’engage au 29ème Dragons de Provins. Campagnes de Belgique et de France; au combat, pour son comportement devant l’ennemi, il obtient la Croix de Guerre et 3 citations.

En mai 1943, il rejoint le Général de Gaulle à Londres. Valentin Abeille est affecté au Bureau central de Renseignements et d’Action (BCRA). On lui confie le Commandement militaire de la Région M comprenant : la Bretagne, la Normandie et l’Anjou, au total 18 départements. Devenu « Méridien », il organise la résistance dans cette région dont l’importance stratégique, en cas de débarquement, est connue des alliés. Il met en place les différents plans d’exécution mis au point avec Londres et la Résistance (plans Bleu, Violet, Vert). Il est secondé dans son activité par son frère jumeau Jean-Pierre, alors Secrétaire Général de la Préfecture du Calvados, qui grâce à la connaissance qu’il a de ce département et de la région peut l’aider utilement. Ici, comme dans le Jura, il regroupe les mouvements de Résistance.

Quatre délégués militaires parachutés avec lui sont arrêtés par la police allemande. Suite à ces arrestations, en avril 1944, le Général de Gaulle envisage le rapatriement de Valentin Abeille à Londres. Ce dernier voulant terminer sa mission reste un mois de plus à son poste. Ce report lui sera fatal.

Le 30 mai 1944, Valentin Abeille estime sa mission terminée. Après avoir mis en place son remplaçant, il quitte la Bretagne pour regagner Paris. Il passe la nuit au 22 rue Beaujon, dans le 8ème arrondissement en compagnie de son adjoint le docteur Mengin, dans l’appartement de Madame Hélène Dubois Mengin. Le jour suivant, vers 9h 30, les Allemands font éruption dans l’appartement et arrêtent avec eux d’autres clandestins venus également à ce rendez-vous. La voiture emmène les prisonniers à la Gestapo pour y être interrogés. De par ses hautes fonctions, il détenait des secrets très importants et ceci à quelques jours du débarquement en Normandie. Redoutant l’interrogatoire qu’il ne manquerait pas de subir et au fait des méthodes de la Gestapo, il sait que sous la torture il risque de parler. Il préfère, sachant que les chances de survies sont minimes, s’extirper hors du véhicule et aller au-devant de la mort. Il est lâchement abattu rue Arsène Houssaye, à quelques mètres de l’Arc de Triomphe.

Blessé mortellement, il succombe à l’hôpital de la Pitié, le matin du 2 juin 1944, le jour même où commence l’embarquement des troupes alliées sur les côtes anglaises pour le débarquement en Normandie.  Ses camarades savaient seulement que « Fantassin » était disparu, mais ce n’est qu’après des mois d’angoisse qu’on sut exactement ce qu’il s’était passé alors, et que ses restes furent retrouvés ; il reçut les premiers honneurs officiels aux invalides le 10 novembre 1944.

Son corps a été transporté au cimetière de Montréjeau après la fin des hostilités en 1946 ou 1947. Peu de temps après, c’est la dépouille de son père Pierre qui est venue le rejoindre dans la sépulture familiale. Ironie de l’histoire, cet homme qui a combattu dans la clandestinité durant toute la guerre, a failli être oublié par ses concitoyens. Sur sa tombe, aucune plaque, aucun signe pour rappeler qui il était et ce qu’il avait fait. Cet oubli a été réparé, une plaque du Souvenir Français et un médaillon de bronze indique qu’il a été décoré de la Croix de Compagnon de la Libération.

Source : site de la mairie de Montréjeau.

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