Covid-19 : Et en Turquie, cela se passe comment ?

Rencontre téléphonique fortuite avec un diplomate français en poste en Turquie.

La Turquie est une République depuis 1923, gouvernée de manière autoritaire par le président Erdogan. C’est un état d’environ 82 millions d’habitants. La religion majoritaire est l’islam.

Petite République : tout d’abord, présentez-vous pour les lecteurs de Petite République.

Paul Martin * : tout d’abord, je souhaite que mon nom ne soit pas cité car je fais un travail spécifique dans un milieu ultrasensible. La Turquie possède une frontière avec l’Iran, l’Irak et la Syrie, vous comprendrez que je ne peux pas parler de ma mission au quotidien.

J’ai 55 ans et je suis originaire du Pays basque et du Gers (Lombez). J’ai une très forte attache affective au Sud-ouest et à l’Occitanie.

Je suis donc en poste à Ankara depuis le 1er septembre 2019, pour une mission de deux ans renouvelable et j’interviens sur tout le territoire turc. Je travaille avec le Ministère des Affaires étrangères turc, avec l’Union européenne et bien entendu avec la France.

PR : comment se passe votre vie à Ankara avec le confinement ?

PM : nous avons ressenti les premiers effets du covid-19 en Turquie vers la fin mars. On pense que la maladie est arrivée chez nous par deux vecteurs : le hub de l’aéroport gigantesque d’Istanbul qui brasse énormément de population et par la frontière iranienne où il  y a une migration très prononcée et que l’Iran a été très impacté par le virus.

Au jour où je vous parle (vendredi 17 avril, NDLR), nous avons 74.193 cas recensés et nous déplorons 1.643 morts. Au regard de la forte population et de la concentration urbaine très importante, ces chiffres restent « corrects », par rapport, malheureusement à d’autres pays.

D’ailleurs, la communauté européenne se sent, encore une fois à ce jour, en parfaite sécurité et ne souhaite pas rentrer.

Personnellement, je me sens beaucoup plus en sécurité, plus à l’aise que mes enfants qui vivent à Paris. On a eu la chance, dès le premier jour, d’avoir toutes les protections nécessaires.

Il faut savoir également que la médecine turque est très en pointe et bien équipée.

Le confinement est de rigueur. Vous n’avez pas le droit de rentrer dans un commerce sans porter un masque. Les sanctions sont très lourdes. Ces mesures sont doublées d’un couvre-feu le week-end, ce à partir du vendredi minuit. Aucune sortie n’est tolérée les samedis et dimanches, sauf raisons médicales impérieuses. Les infractions peuvent se terminer par une garde à vue.

Pas plus de deux personnes en voiture et si la police vous arrête, vous devez prouver où vous allez. On vous prend la température. Si vous en avez, demi-tour. Par contre, aucune attestation n’est nécessaire pour se déplacer.

Vous n’avez pas le droit de quitter la ville dans laquelle vous êtes, ni la province à laquelle vous appartenez et encore moins passer une frontière.

Contrainte et forcée, la population accepte des mesures car dans ce pays, il n’y a pas de place pour la contestation. Même les habitants des cités sensibles, contrairement à ce qui peut se passe ailleurs, obéissent car la réaction policière est hors-normes et les sanctions pénales à l’avenant.

Même nous diplomates qui jouissons d’une certaine immunité, sommes rappelés par nos chancelleries afin que nous soyons exemplaires et que nous respections les recommandations du gouvernement.

PR : Y-a-il, comme en France des polémiques dans la communauté médicale ?

PM : Non, absolument pas car ici tout est centralisé. C’est la direction de la santé qui communique et elle est seule à le faire. Aucune discordance. Une seule voix : le ministère de la santé.

PR : subissez-vous des pénuries?

PM : La Turquie est un Etat très très fort avec des institutions très solides. Elle possède une capacité de réaction remarquable. Nous ne subissons aucune pénurie : les masques (FFP2), sont en vente sans restriction en pharmacie et dans les supermarchés vous pouvez acheter autant de litres de gel hydro-alcoolique que vous le voulez. L’État a également bien pourvu en kits de dépistage.

Des masques vont être adressés par la poste à chaque foyer, à raison d’un par jour et par personne constituant le foyer. Ces masques sont fabriqués en Turquie et sont gratuits.

Tous les commerces sont ouverts en semaine sauf ce qui n’est pas essentiel. Les marchés alimentaires sont également ouverts et ce sont des petits producteurs qui vendent leurs produits.

PR : y-a-t-il, comme en France, une date annoncée de fin de confinement ?

PM : non, aucune date n’est avancée. Le gouvernement est très inquiet, à juste titre, pour la saison touristique à venir car le pays vit du tourisme pour grande partie. Sur les plages cette année, il n’y aura peut-être que les Turcs et la communauté internationale basée en Turquie, mais pas d’étrangers.

Nous n’avons aucune vue sur la fin du confinement en semaine, ni sur la levée du couvre-feu du week-end.

PR : Merci et bon courage à vous.

*Nom d’emprunt

 

 

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