Confinement et déconfiture, billet d’humeur de Jules

Empty classroom with chalkboard, chairs and school desk.

Que penser des propositions avancées par Monsieur le Président de la République lors de sa cinquième allocution télévisée ? Parce qu’il faut encore penser, être profondément apolitique et le rester. La situation est telle qu’il serait trop facile aux différents militants de récupérer les déconvenues, d’en profiter et selon ses propres sensibilités d’accuser les politiques en place. Les incompétences du gouvernement sont flagrantes, décriées, mais trop faciles à critiquer. Quelque qu’ait pu être une autre équipe politique élue en charge de gouverner, l’attaque sournoise du covid-19 l’aurait désarçonnée du même revers. A plus d’un titre, la crise sanitaire déstabilise les gouvernements du monde entier. Elle aurait pareillement déstabilisé n’importe quel césar en place, qu’il ait porté un étendard rouge, rose ou bleu marine.

Les gouvernements du monde entier sont accusés d’incompétences, montrés du doigt, diffamés. Qui ne le serait pas ? Avez-vous mesuré la fange dans laquelle le monde est empêtré ? Comment gérer ? L’humanité toute entière cherche son génie salvateur. A notre échelle nationale, Macron et consorts ne font évidemment pas le poids. Soyons réalistes. Les élus sont avant tout des oligarches et s’ils sont à leur place, assis à droite comme à gauche, c’est avant tout pour assouvir des aspirations personnelles. La prise de responsabilités en valait-elle la chandelle quand, aujourd’hui, on leur demande assez d’altruisme pour sauver l’humanité, pour combattre une bactérie mortelle qui reste sans antidote quand les médecins eux-mêmes restent désemparés. Quand bien même nos dirigeants eussent parler chinois, personne ne détient encore sur terre les clés génétiques d’un virus ennemi qui s’immisce insidieusement dans les tranchées puis dans les trachées. Personne ne sait comment sortir de la crise, tous tâtonnent.

Le 11 mai prochain, la situation liée à la crise sanitaire n’aura sûrement pas évolué. Elle restera ce qu’elle était le 11 mars, celle qui a alors imposé un confinement pour éviter l’engorgement des hôpitaux. Un seul cas parti du fin fond de la Chine a contaminé la planète en quelques semaines. C’est clair que tant qu’il restera sur terre un seul cas de covid 19 positif quelque part, l’humanité sera maintenue sous pression à la gorge. Le seul salut attendu ne surviendra que d’une immunité résultant d’une population contaminée à 75% ou d’un vaccin salvateur. Le prix Nobel est en jeu. Le combat des druides a commencé. Quel lobby pharmaceutique remportera alors le marché ? On ne sait pas encore, on n’en est pas là. Que le virus faiblisse et disparaisse de lui-même avec la chaleur de l’été est un doux rêve. Il sévit tout aussi bien actuellement dans l’hémisphère sud sous des températures caniculaires. La tendance de son évolution serait toute autre, ce microbe invisible n’est pas la gripette préannoncée, il tue. Atchoum fait de la place autour de lui et tables rases des places en ville.

Rouvrir les écoles à partir du 11 mai a suggéré le chef d’état. Et laisser les maîtres précéder leurs élèves d’un bon mètre ? Elle est bonne et il est fort à craindre que cette mesure fasse aussi le ménage. Quand la crise a éclaté, les écoles ont été les premières structures protégées fermées puisqu’elles sont des concentrés de vecteurs de contamination à deux pattes. C’est déjà très difficile d’y éradiquer une simple épidémie de poux tant la promiscuité y est en place, en classe comme dans les couloirs, dans la création comme en récréation. Pourquoi donc avoir fermé les établissements scolaires il y a deux mois ? parce que le problème à régler aujourd’hui est resté le même.

Rouvrir les écoles et maintenir les restaurants fermés et tous manger à la cantine. La fête au village, quoi. Marche-t-on sur la tête ? On comprend que le subalterne Blanquer soit monté au créneau dès potron-minet pour relativiser l’ordre donné d’envoyer en première ligne les têtes chérubines. « On est en guerre » sont les propres mots du président. A l’école, les enfants seront les derniers à respecter les mesures barrières. Les syndicats, les associations de parents d’élèves, les parents d’élèves eux-mêmes, du moins ceux qui jouent leur rôles et la carte du bon sens, vont monter sur les grands chevaux de bataille. Que les enseignants puissent jouer leurs droits de retrait. Est-ce encore des atouts qui coupent ou des soustractions au combat bientôt passibles de cour martiale? Ouvrir les écoles pour libérer les parents de leurs mioches, pour ne pas perdre une seule chance de préserver l’égalité scolaire et pour soutenir les élèves en difficulté. Ouvrir l’école aux volontaires, ce ne sera jamais pour ceux qui en ont le plus besoin. Ceux-là la fuient. Et puis qui pour faire classe, en classe, et qui pour faire classe aux mêmes moments à ceux qui ont la chance et les conditions d’apprendre à la maison ?

Se montrer compréhensifs ? Le chef d’état est à l’image de son pays, assis entre deux chaises : la santé ou l’économie ? Cela écarte bien les fesses de Marianne, la pauvre…

Rester confiné à quel prix ? Confiner préserve, endigue la pandémie mais ne résout pas l’ennemi, permet de reculer mais pas encore de sauter et ruine l’économie des pays arrêtés et retranchés sur eux-mêmes. C’était un premier choix, il a son revers, le prix à payer. Il semble que toutes les richesses accumulées par un capitalisme avide de production fondent comme neige au soleil. La mondialisation chère aux programmes du président en place a stoppé net. On importe bien encore quelques masques épars parce qu’on paie la délocalisation. Les frontières sont désormais fermées, les échanges interdits. On vit reclus sur soi-même, condamné à ne lire qu’une seule et même page du grand livre des voyages et le ciel printanier est soudainement devenu bleu marine. La blonde en rêvait. Engoncés sans des logements exigus sans voir ni le soleil, ni le moindre carré de pelouse, beaucoup pètent les plombs. Tout le monde n’a pas le shining. Le cubi s’est trouvé des amis. Des femmes et des enfants trinquent. Les gens en ont marre. Peu ont la trempe de risquer des escarres sur leur canapé. Arrivent les beaux jours, çà sent la relâche et la prune. La maréchaussée est toujours mal lotie mais elle veille.

Déconfiner à quel prix ? Pourquoi alors s’être confiné ? On devine aisément que mettre les enfants en garderie scolaire libérerait les parents qui s’en retrouveraient libres de retourner à leurs tâches. La déconfiture est annoncée. Le voyage mène au bout de l’enfer et la roulette russe proposée à tous à la fin du film. Les gamins s’en sortiront en grande majorité. Mais qu’en sera-t-il des aïeux qu’ils chérissent ? Déconfinons donc, on serait très vite aux 75% requis pour que la population prétende à une immunité sanitaire. Mais à la prise d’assaut des hôpitaux, qui seront les laissés pour compte ? Vos parents peut-être, vos amis, votre chéri(e)?  En avril, sur le fil, il n’y a déjà pas assez de masques pour tous, pas encore. C’est déjà énorme d’avoir entendu prôner leur inutilité à la populace avant de conférer à l’objet convoité un impératif bientôt répréhensible. En mai, fais ce qu’il te plait… Mais les respirateurs et les gentilles infirmières consentantes ne vont pas descendre du ciel, c’est une bonne partie de la population qui va y monter. Combien ? Tester tout le monde pour isoler les positifs semblerait plus cohérent mais, malheureusement déploré et inenvisageable. Le vaste chantier sanitaire ne garantirait même pas l’étanchéité.

La politique guerrière envisagée fait penser aux ordres donnés il y a un peu plus d’un siècle par des maréchaux à ces centaines de milliers de soldats exhortés, sommés de sortir des tranchées pour faire don de leurs corps à la science des mitrailleuses. De vains sacrifices quand personne se sait pas faire face. C’est la guerre…

L’impasse est monstrueuse. L’humanité est en chute libre, plonge dans le vide de deux tours jumelles, l’une sanitaire, l’autre économique, chacune de huit milliards d’étages. Elle bascule à une vitesse vertigineuse, sans parachutes. A quel heur est pressenti l’atterrissage ?  La nature humaine est angoissée. Elle cogite. Elle est en pleine déconfiture, pas de pots. Que ceux-là portent ces fruits : le recul, la reconnaissance des erreurs, la reconnaissance des professionnels qui restent engagés et dévoués, la relativisation, la solidarité, l’optimisme et l’espoir vaudront toujours mieux que de vaines prières. Avant que la recherche n’aboutisse, on est dans la m…. Même si sortir ou ne pas sortir aujourd’hui reste la question, à terme, l’humanité se sortira de l’impasse. Le prix à payer n’est pas encore défini.

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