Les besoins et droits des personnes en fin de vie

Conférence : Les besoins et droits des personnes en fin de vie.

A la suite d’une concertation sur la question de la fin de vie, la loi pose le principe selon lequel « Toute personne a droit à une fin de vie digne et apaisée. Les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour que ce droit soit respecté« .

La loi du 2 février 2016 d’Alain Clayes et Jean Leonetti crée de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie. C’est autour de cette question qui préoccupe beaucoup de français qu’une conférence a eu lieu dans l’enceinte même du temple protestant de Saint-Gaudens où l’aspect religieux a bien sûr été abordé en présence de Catherine Dupré Gondale médecin, directrice de l’espace éthique d’Occitanie, Agnès Vez Desplanque pasteur aumônier au CHU de Toulouse et Claude Roussel pasteur aumônier dans l’EHPAD «La Méridienne» à Albi.

Quels sont les besoins humains spirituels mais aussi quels sont les droits des personnes en fin de vie ? Comment pouvons-nous «accueillir» la mort comme un phénomène normal, sujet encore tabou ?

Pour Agnès Vez Desplanque, l’important c’est de savoir accueillir la souffrance du patient, comment humaniser ce temps de la fin de vie. Le patient exprime ses peurs, ce passage vers l’inconnu. Au cours des visites répétées, l’aumônier est surtout à l’écoute, il ne parle pas beaucoup. Le patient a besoin d’être écouté, il faut lui laisser ce besoin d’exprimer ses peurs et aussi sa confiance en Dieu, lui accorder ce droit d’être accompagné spirituellement.

Les infirmiers, les médecins, les aumôniers sont tous à divers titres des accompagnants potentiellement spirituels. Pour Claude Roussel, aumônier en EHPAD, tout ne se limite pas à la souffrance physique mais morale et spirituelle… Il faut savoir utiliser des clés qui ouvrent les fenêtres du regard et être à l’écoute, c’est capital. Un patient lui dira un jour : « Quand vous m’écoutez, vous me dites en fait que j’existe ». Le regard est important et la parole donnée avec parcimonie. Le toucher est important. On présente la main ouverte en signe d’offrande, on ne pose pas la main sur le bras ou la main de la personne, signe de domination. On ne néglige pas la famille qui attend une parole de réconfort.

Le cadre de la loi Leonetti.

Le docteur Catherine Dupré Gondale va définir le cadre de la loi relative aux droits des patients et à la qualité des soins. Depuis la première loi de 2005, la loi de 2016 (loi Leonetti) rassure avec la prolongation de la prise en charge, pour défendre l’autonomie du patient. Il faut le respect de la dignité et l’autonomie de la personne. Avoir le droit de décider d’arrêter tout traitement et majorer la traçabilité des procédures collégiales. Les équipes de soins se réunissent pour prendre une limitation ou un arrêt des soins. Un médecin ne décide jamais seul. Il n’y a pas de poursuite déraisonnable des soins. D’où une procédure collégiale avec la consultation de la personne de confiance, l’accompagnant du patient.

Les échanges avec un auditoire intéressé et diversifié ont permis de relever l’importance d’offrir à la personne en fin de vie et à son entourage, un cadre relationnel de qualité où il apparaît primordial de soulager les douleurs physiques et morales du patient et de sa famille, autant que possible.

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Une réponse

  1. Illusoire liberté, réponse à Monsieur Touraine

    Monsieur,

    Dans votre tribune du 28 février 2018 intitulée « Il convient de donner aux malades en fin de vie la libre disposition de leur corps », vous assumez à deux reprises un parallèle avec une autre question adossée elle aussi à ce concept de la libre disposition des corps : « il en va aujourd’hui de cette question comme il en allait de l’Ivg au début des années 70».

    Alors permettez-moi, Monsieur Touraine, de réagir à double titre à cette revendication fallacieuse.

    Tout d’abord en tant que mère. J’ai été victime dans mon propre corps de cette fausse illusion de la « libre disposition des corps » lorsque j’ai attendu un enfant dont le lourd handicap a été diagnostiqué pendant ma grossesse. Tout a alors été tenté pour ne pas nous permettre de le laisser naître et cette liberté de disposer de mon corps ainsi que de celui de mon enfant m’a été déniée.

    De cette expérience douloureuse qui atteignait une jeune femme fragilisée par l’écroulement de ses attentes, j’ai gardé un sentiment de défiance face aux discours qui prônent la liberté comme valeur ultime. Ma liberté s’est heurtée aux normes que l’on a voulu m’imposer, aux injonctions de cette société à laquelle j’appartiens.

    Aucune liberté n’est opposable aux pressions trop fortes que l’on rencontre, surtout quand on est fragile et vulnérable.

    Alors comme vous faîtes si bien le parallèle entre ces deux questions de la fin de vie et de l’ivg, je viens vous demander Monsieur Touraine : quelle sera la liberté des personnes malades en fin de vie de disposer de leur corps ? La liberté de ces personnes ultra-vulnérables ? Face à l’instrumentalisation d’histoires douloureuses de fin de vie qui font peur, et font mieux aimer « mourir avant que de connaitre une telle fin », face aux regards de ceux qui vous font comprendre que vous êtes un poids (pour eux, pour la société, …), face à la fallacieuse facilité de réclamer une sédation qui prive le malade de ses dernières relations conscientes avec son entourage… la « liberté » de demander à mourir se transformera vite, surtout pour les plus faibles, en « devoir ».

    En tant que bénévole d’accompagnement en soins palliatifs, et c’est mon deuxième titre, je viens parler au nom des personnes rencontrées dans des services où l’on meurt. On y meurt parce-que c’est l’heure, parce qu’au bout de la vie il y a une fin. Cette fin dont on ne veut plus parler dans notre société, cette fin que certains préféreraient escamoter plutôt que de la vivre. Comme si mourir plus tôt qu’avant la fin pouvait nous conférer une dignité, alors que la dignité ne peut s’attacher qu’au vivant ! Au vivant, qu’il soit bien portant ou malade, quel que soit son état et qui mérite tout notre intérêt.

    Je voudrais rendre hommage à Madame B. Lors de notre dernière rencontre, une semaine avant son décès, deux dignités se sont exhaussées.

    Dans ce service, nous rencontrons des corps souffrants et des esprits parfois égarés, mais ce sont toujours des hommes et des femmes en relation. Et cette relation ne se mesure pas en termes de qualité. Ce jour-là Madame B répétait « Emportez-moi, emportez-moi ! ». Elle me tenait les deux mains et son regard, suppliant et angoissé, était vrillé dans le mien. Quand je lui demandai où elle voulait que je l’emporte elle me répondait « chez moi ». Et son regard continuait de vriller le mien et en même temps de me vriller le cœur. Mon cœur s’affolait, mon esprit aussi : mais que puis-je faire pour elle ? Une envie de fuir m’a étreinte ! Mais c’était impossible puisque Madame B me tenait fermement les mains. Quelle chance en fait, une vraie chance pour nous deux ! Ce « regard à regard » a duré … 15 minutes. C’est long 15 minutes… Suffisamment pour avoir le temps de se demander : mais ne serait-elle pas mieux sédatée et endormie ? et suffisamment long pour trouver dans notre échange une réponse : si elle dormait, je ne pourrais pas être là, présente à son chevet et soutenant son regard sans faillir, lui souriant de mon plus beau sourire et lui répondant « je vous emporte dans mon cœur ». Au bout de 15 minutes, elle m’a souri aussi, son regard s’est fait doux, ses mains ont lâché les miennes et elle s’est détendue. Nous nous sommes dit « à bientôt ».

    Quelle a été votre liberté Madame B dans cet instant ultime ? Vous n’auriez sans doute pas choisi de vivre ce moment quand vous étiez en pleine forme…

    Et pourtant, par nos regards croisés et notre présence échangée, nous nous sommes élevées.

    Merci Madame B d’avoir permis cette rencontre.

    Stéphanie Dupont

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