Edito 10

De l’indécence.

Peut-on encore écrire sur les phénomènes des attentats qui ont eu lieu en France ces derniers mois? Tout a été dit et son contraire et l’on cherche des boucs émissaires. Chacun y va de son commentaire, l’immédiateté des informations diffusées sur les chaînes d’infos en continu est un véritable poison. On n’attend plus d’avoir un éclaircissement par le travail très fourni des enquêteurs avant de faire ses conclusions. Que de bêtises entendues par des supposés experts qui affluent sur les plateaux, que de contre-vérités qui émergent au fur et à mesure que l’enquête avance. Mais où est le temps de la réflexion et de l’analyse ?

Cette dernière tuerie à Nice montre qu’on a franchi un niveau supplémentaire. Les corps de certaines victimes n’ont pas encore été identifiés que déjà la classe politique s’en donne à cœur joie. Les familles n’ont pas encore commencé à enterrer leurs morts que déjà les polémiques enflent.

On ne respecte même plus le temps du deuil, fusse-t-il décrété au niveau national comme depuis 2 jours dans toute la France.

On a déjà sorti les armes pour préparer les échéances à venir. L’opposition reproche au gouvernement un laxisme supposé ou effectif et ne veut pas se laisser endormir par une unité nationale qui la desservirait pour la suite.

Les gouvernants répondent au coup par coup, renvoyant l’opposition dans ses buts sur le thème « regardez-vous dans la glace » , croyant à la vertu de l’unité nationale, peut-être pour certains avec quelques arrières pensées .

Un spectacle pitoyable qui ne va pas nous réconcilier avec les politiques. Bien sûr la démocratie exige un débat sur tous les sujets y compris celui de la sécurité et du terrorisme. Mais celui-ci doit-il avoir lieu le jour même ou le lendemain du drame ? Je n’en suis pas si sûr.

Il est vrai qu’en France nos services de police spécialisés dans la lutte contre le terrorisme sont excellents dans la phase enquête. Mais il est aussi vrai que dans la phase alerte, il y a des attentas qui n’ont pu être déjoués en amont. Est-il possible de tous les déjouer comme aimeraient le faire croire certains ? Cela semble difficile, le risque zéro n’est qu’un leurre politique, tous les professionnels vous le diront.

La lutte contre le terrorisme est un phénomène relativement récent dans son expression actuelle. Cela demande un profond changement dans les pratiques policières qui ne peut se faire sur un simple claquement de doigt. Cela demande des ajustements au fur et à mesure des retex (ou retour d’expérience). Cela doit concilier l’Etat de droit, auquel il ne faut surtout pas déroger sous peine de devenir comme nos ennemis, avec une efficacité maximum. Pari très antinomique auquel il faudra bien répondre dans la sérénité d’un débat et non dans un esprit politicien et de posture.

Ceux qui croient que l’on peut mettre 2000 ou 10 000 policiers à chaque manifestation de faible ou moyenne importance au niveau national, ceux qui croient que le tout répressif et le tout sécuritaire vont ramener la paix absolue doivent bien réfléchir à cette option-là. Le tout policier est un outil de communication qui rassure les foules mais qui n’inclut nullement le risque zéro car l’ennemi s’adapte au fur et à mesure. Regardez à Nice les moyens employés : pas de bombe, pas de fusil d’assaut, un simple camion qui fait 84 morts et une centaine de blessés. On aurait pu mettre deux policiers devant les barrières, cela aurait porté le bilan à 86 morts.

L’état d’urgence que l’on veut remettre en place est-il efficace ? Bien sûr que non puisque soit on l’applique à la lettre et il n ‘y a plus de vie sociale et nos droits fondamentaux sont suspendus, soit on procède comme ces derniers mois et il est totalement inefficace. Qu’aurait-on dit si les manifestations contre la loi El Komri avaient été interdites pour raisons sécuritaires. Cela aurait été un tollé général sûrement, pourtant ce camion fou de Nice aurait tout aussi bien pu se jeter sur une foule à Paris !

Donc soit il n’y a pas d’attentat et on crie au scandale pour les atteintes à nos libertés fondamentales, soit il a lieu et on crie avec les loups pour reprocher un laxisme gouvernemental.

Ne nous laissons abuser par tout cela. Contrairement à notre classe politique, prenons du recul et essayons de voir les choses sans passion. Nous faisons face à un nouveau péril qu’il va falloir intégrer avec courage et lucidité. Laissons nos services de renseignements trouver la bonne mesure pour augmenter leur efficacité sans aucun argumentaire politique. Aucun de ces fonctionnaires ne souhaite échouer dans sa mission. Ils ont tous à cœur d’éviter le pire et d’y réussir. Quant à nous, continuons de vivre le plus normalement possible, ce sera l’efficacité du combat mené par les citoyens.

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