Les contes d’autrefois : Le Chamam par Pierre Ricard

Je vous parle d’un temps que les moins de 13 000 ans ne peuvent pas connaître.

Un temps ou les habitants, qui étaient bien moins nombreux qu’aujourd’hui, habitaient dans des huttes ou dans des cavernes naturelles, des grottes, des tûtes, des abris naturels. Dans les Pyrénées, en Ariège en particulier, on trouve beaucoup de traces de ces « homo sapiens » qui sont nos ancêtres. Leur mode de vie est encore bien mystérieux pour les chercheurs aujourd’hui.

Dans la vallée du Vicdessos, il y avait du côté de Niaux, une communauté qui était sans doute importante. Le gibier ne manquait pas, l’eau était abondante, les végétaux bien présents et les abris naturels, les grottes, en grand nombre.

Comme dans toute communauté et déjà à cette époque il y avait des règles de vie et le clan était hiérarchisé.

En dehors du chef tout puissant, il y avait un personnage important, c’était le chaman, le sage, celui qui avait le plus de savoir sans doute. C’est le chaman qui connaissait les herbes qui guérissaient, il savait soigner les maladies, il était toujours consulté avant une décision importante.

Le chef de cette tribu avait un fils qui devait avoir 8 ou 10 ans, Kroma. Il devait être en toute logique le successeur de son père. Il était élevé comme un futur chef et le garçon profitait de cette situation en se comportant d’une façon odieuse avec tout le monde et particulièrement avec ses parents. Ce n’était jamais le moment de manger, de dormir, il n’écoutait rien et ne respectait personne.

Ses parents lui avaient passé tous ses caprices, mais maintenant, se rendant compte de la situation, ils étaient bien embêtés devant ce problème et ils sont allés en parler au chaman.

Le sage qui bien sûr était au courant de la situation leur dit, avec tout le respect que l’on doit à un chef, que si cette situation était devenue insupportable, ils devaient y être pour quelque chose. Devant l’incrédulité des parents, le chaman prit un morceau de peau de renne qu’il avait tendu sur un cadre en bois pour la faire sécher.

Sur cette peau il dessina le petit garçon, le futur chef, debout bien droit, les bras croisés avec sur la tête la coiffure de chef et sur les lèvres une moue dédaigneuse.

Pour compléter le tableau, il dessina le père, le chef actuel et la mère, prostrés devant Kroma, le visage qui touchait pratiquement le sol. C’était exceptionnel que le chaman représente des humains sur un dessin. On n’a presque jamais retrouvé de dessins représentant des humains dans les grottes ornées et en tout cas pas en Ariège dans la grotte de Niaux.

• Voilà comment je vous vois devant votre fils.

• Ce n’est pas possible, ce n’est pas ainsi que nous sommes devant Kroma !

• Ecoutez, emportez ce dessin et accrochez-le chez vous en bonne place et regardez-le avant de prendre une décision qui concerne Kroma.

En arrivant sous leur abri, ils font comme a dit le chaman, d’abord parce que la parole du chaman ça se respecte et que, ensuite, ils ne risquent rien de regarder le dessin. Le soir même, le chef appelle son fils pour qu’il vienne dîner.

• Non répond Kroma, je ne viens pas, je n’ai pas envie, je viendrais quand je voudrais et pour le moment je m’amuse.

Le père est prêt à céder une nouvelle fois, mais, il regarde le dessin.

• C’est vrai qu’il fait ce qu’il veut, on fait ses 4 volontés.

Alors le papa se fâche tout net.

• Tu viens immédiatement et tu manges, ou tu vas au lit tout de suite sans manger.

Le petit Kroma est stupéfait, jamais son père ne lui a parlé de cette façon.

• Mais je suis le futur chef dit-il d’un air vexé.

• Justement un chef doit être irréprochable, tu n’as pas un comportement de futur chef qui doit être un exemple pour son peuple.

La maman s’apprête à intervenir en disant que si Kroma n’aime pas ce qu’elle a préparé elle peut faire autre chose pour manger, quand elle aussi elle voit le dessin.

• C’est vrai que nous sommes comme ça ? Il faut réagir.

• Ça suffit Kroma puisque tu n’es pas content, au lit et tout de suite.

Kroma ne comprend pas mais devant le ton employé par ses parents il obéit et va au lit en pleurnichant.

• Je veux que vous allumiez une lampe à huile à côté du lit, je le veux, je suis le futur chef se risque t-il à dire.

Personne ne se dérange, les parents sont sous le tableau. Au bout d’un moment, Kroma appelle de sa petite voix d’enfant.

• Papa, maman !

Le père et la mère passe la tête par la tenture de séparation et Kroma murmure :

• Je voudrais juste un bisou, juste un petit bisou.

Bien sûr les parents font plusieurs bisous et Kroma s’endort très profondément.

En sortant de la chambre, les parents voient le dessin du chaman.

Qu’elle surprise, le dessin est complètement modifié, les parents sont maintenant debout, le père porte le couvre chef et ils entourent un enfant qui, mais oui, en avançant un peu ils distinguent bien que sur le dessin, l’enfant sourit, leur enfant, Kroma, sourit comme un enfant de 8 à 10 ans.

Le chaman avait bien vu les choses.

Tout en contemplant le dessin, ils entendent un bruit de pas à l’extérieur. Le chef se précipite et il voit une ombre qui s’éloigne dans la nuit, une ombre qu’il reconnaîtrait entre mille ; l’ombre du chaman.

Le père s’apprête à interpeller le chaman, mais il n’ose pas.

Le temps est passé et il n’a jamais osé demander au chaman s’il avait modifié le dessin pendant qu’il était avec sa femme dans la chambre de Kroma ou si le dessin s’était modifié après le changement de comportement de l’enfant et comment cela était-il possible ?

Les Chamans allaient-ils dessiner dans les cavernes plus ou moins profondes, sur les parois des roches, des dessins d’animaux en général ? Peut-être, mais, qui peut l’affirmer de façon précise ?

Les chamans avaient-ils des pouvoirs surnaturels, comment faisaient-ils pour aller au plus profond des grottes simplement éclairés avec des lampes à huile et sans se perdre ?

Je n’ai pas de réponse à vous donner, chacun se forgera une opinion peut-être en allant visiter la grotte de Niaux par exemple.

E cric e crac mon conte es acabat !